Parce qu’il ne cesse de désigner l’autre comme infidèle, parce qu’il refuse de s’ouvrir à une foi qui n’est pas sienne mais qui rassemble pourtant toute une communauté de fidèles, le sergent Howie, détenteur de la focalisation, apparaît au spectateur tel un être procédurier et aux qualités humaines plutôt maigres : son statut de personnage principal lui assure une légitimité durant la première heure, jusqu’à ce que le costume du fou ne le rende pleinement suspect. Lui aussi joue un rôle et répand autour de lui sa barbarie, une violence non pas physique (à la différence du sacrifice animal ou humain) mais verbale : il menace Summerisle de revenir en compagnie d’autres agents de l’ordre afin de mettre un terme à ce mode de vie qu’il juge dépravé. Son costume de policier se heurte à la nudité des jeunes femmes réunies en cercle ou se livrant aux chants divins, à la manière des sirènes homériques. C’est néanmoins un même dessin de lièvre que l’enfant et l’adulte, que l’adepte du celtisme et le chrétien, recouvrent de peinture ; la symbolique de cette scène initiale s’avère fondamentale : d’une part se tient une religion neuve, incarnée par la jeunesse, de l’autre une religion usée, dont Howie représente le dernier bastion bientôt renversé, de la même manière qu’il se tache de peinture. Ce que notre héros ne comprend pas, c’est qu’il entretient un rapport à la fiction similaire à celui des hommes, des femmes et des enfants vivant sur cette île ; seulement cette fiction, il l’a suffisamment intériorisée – en témoigne son expérience de la prêtrise – pour la considérer comme une vérité absolue. Il est, en somme, un fanatique incapable de tendre l’oreille vers ce qui, pour lui, dissone. Son séjour écossais le plonge dans un folklore où la voix élève l’âme et éveille les sens : elle envoûte le policier, le raccorde à sa nature première, là où la chair n’est pas un péché mais, au contraire, un cadeau du Ciel. Religion du corps et des désirs qui le fondent, le celtisme ici dépeint sait attiser, chez le spectateur, les peurs enfouies que suscitent des danses incongrues, le port de masques, les cérémonies en apparence libertaires. The Wicker Man donne chair et âme à des formes de croyances ancestrales qui retrouvent, par la caméra de Robin Hardy, leur souffle vital tout en renvoyant dos à dos deux fois religieuses, chacune à un stade différent de son développement. Une œuvre de religions comparées tout à fait pertinente, dont le visionnage féconde l’imagination par ses images et son atmosphère uniques.