J'ai beaucoup aimé le film qui traite avant tout du thème de l'abandon familial vécu comme une trahison ayant laissé des blessures encore profondes non encore refermées. La trahison, très présente tout au long du film, se décline sous différentes formes en rapport à l'amour, à l'amitié, à l'argent et au professionnel.
Mais il traite aussi de l'autre face, en rapport avec le courage et la détermination d'une femme qui s'est forgée une véritable personnalité en l'absence de ses parents, suite au décès de sa mère, et à la fuite de son père de qui elle était très proche, qui a préféré aller noyer son chagrin en tentant sa chance dans de sombres affaires de casinos aux Bahamas. La sublimation de sa souffrance en forme de vengeance contre le destin, s'est transformée en obstination ce qui lui a permis de défier la gent masculine sur son propre terrain, au point de sortir Majore de sa promotion à l'école Polytechnique, et en occupant un poste à responsabilités en tant qu'attachée au Ministre des Finances.
Cependant, cette façade de la femme forte, de la femme dirigeante, du genre contrôlante, qui se veut indispensable et dont la parole fait autorité, qui a su se préserver des impondérables liés à sa vie familiale, sociale et professionnelle ainsi que sentimentale, va vite exploser en mille et un morceaux, lorsque le père décide de revenir. Celui-ci décide de reprendre sa place au sein de la famille, de sorte à faire valoir ses droits d'ascendant, tel un vieux lion qui s'en revient revendiquer sa royauté au sein de la meute en défiant le jeune mâle. Derrière la persona de la femme forte, se cache en effet une petite fille apeurée qui a brûlé les étapes de son développement personnel trop rapidement, en éludant certaines étapes clés. En effet, lors de l'accident en voiture, par suite d'une perte de contrôle, elle finit sa course dans une marre. Elle doit être secourue en urgence et se retrouve trempée jusqu'aux os. Elle doit être changée, et sous les vêtements de ville, on constate la présence de sous-vêtements d'adolescente plutôt que ceux d'une femme véritablement affirmée, à l'image de la culotte de grand-mère de Bridget Jones. Par la suite, lors d'une nouvelle dispute père-fille, celui-ci lui dit "qu'elle est froide, qu'elle n'a pas de cœur, qu'elle est comme de la glace, dure et coupante, qu'elle est tout le contraire d'une femme", ce qui la rend folle de rage. De plus, il est question de l'épisode avec le vélo à travers lequel on apprend qu'elle ne sait pas en faire car son père ne lui avait pas appris en son temps, alors qu'elle aurait pu apprendre à en faire depuis. Peut-être espérait-elle en secret, peut-être réservait-elle ce droit exclusif à son papa, celui d'apprendre à se guider seule dans la vie, comme si elle était au guidon de son vélo.
Au fil des péripéties et autres tribulation auxquelles sont soumis tous les membres de la famille et les proches, on comprend que le père est plus en confrontation avec lui-même qu'avec sa fille, sa famille ou les membres de la mafia qui le harcèlent tout au long du film. A final, le père va pouvoir réaliser le deuil de sa vie passée, la femme forte va pouvoir réaliser son Œdipe tardivement et reprendre sa place dans le cœur du père, qu'elle verra depuis une nouvelle perspective de femme libérée du joug d'un conflit non résolu en son temps. Des retrouvailles houleuses mais salvatrices pour le principaux protagonistes.
La morale du film pourrait se réduire au fait que le mensonge contraint et que la vérité libère. En effet, à la fin du film, le nouveau départ du père pour les Bahamas en vue de porter témoignage contre des escrocs, n'est plus vécu comme un abandon, mais plutôt comme une forme de résolution, une adhésion, une détermination à vouloir mettre un terme à cette fuite infernale qui semblait ne plus en finir. Elle résonne également comme une marque de confiance, en un passage de témoin en terme d'autorité filiale, provisoirement à tout le moins, dès lors que le père est censé revenir à court terme. En effet, l'associé, à vouloir jouer avec le feu a trahi pour ce qu'il estimait être la bonne cause mais s'est enferré dans les mailles d'un filet qui l'ont fait couler. Repêché par le peu d'amitié ayant survécu, il devra se contenter d'un poste d'employé au casino, un exécutant aux ordres de la femme forte qui a quelque part sauvé son père et son projet de casino,lui-même ayant sauvé sa fille en la rendant à la vie et à l'amour de son compagnon. Le final se déroule donc comme une chronique qui se fait l'écho d'un retour annoncé et attendu avec confiance dès lors qu'il peut être objectivé et envisagé avec sérénité.
Tout est bien qui finit bien. Le titre du film a été très bien choisi. Un film qui ne paye pas de mine mais qui cache un véritable trésor en termes de messages subliminaux pour celui qui sait décrypter qu'on ne peut lutter contre l'amour d'un père pour sa fille et inversement. Il n'y a point d'espace pour celui ou celle qui tenterait de s'immiscer dès lors que l’œdipe n'est point réglé. Il est un passage obligé pour que chacun puisse trouver sa place véritable dans le cadre d'un processus qui doit être mené à son terme, pour s'en libérer des effets collatéraux qui peuvent s'avérer dévastateurs.
Yves Montand est d'une maestria qui relève du génie. Un jeu d'acteur à l'image du personnage: irrésistible!
Isabelle Adjani est absolument craquante et remarquable dans son rôle, un rôle pas si facile à jouer. Chapeau bas!
Quant à la musique de Michel Berger, elle est tout simplement merveilleuse. Je l'écoute en boucle et à chaque fois j'en ai des frissons.
Merci au réalisateur. Ce film fait partie de mes meilleurs films, attendrissant.