Pour ses retrouvailles avec son ancienne muse Diane Keaton (avec qui il a tourné ses chefs d’œuvre), Woody Allen signe un film plutôt réussi qui lorgne ouvertement sur "Fenêtre sur Cour"
(à tel point qu’on se demande bien pourquoi, lors de la séquence finale, le réalisateur a choisi de montrer un film d’Orson Welles plutôt qu’un film d’Hitchcock)
, à y insufflant ses propres recettes. Comme toujours, l’intrigue fait la part belle aux questionnements sur le couple et magnifie la femme, les dialogues sont d’une drôlerie toute allenienne (voir le culte "quand j’entends trop Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne"), la mise en scène est toujours aussi respectueuse du style du maître (à commencer par la BO jazzy et les longs plans-séquences lors des discussions entre les personnages)… mais, et c’est là que la bât blesse, cette mise en scène est plus faible qu’à l’accoutumée. En effet, outre des séquences parfois trop étirées et un rythme un peu trop incertain, ce "Meurtres mystérieux à Manhattan" parait avoir au moins 10 ans de plus que son âge. La faute aux décors, au look des personnages, à l’image (plutôt sombre) mais, surtout, à certains effets de style franchement datés. L’exemple le plus significatif reste les scènes où le personnage de Ted (joué par Alan Alda) est filmé dans son séjour, lorsqu’il est au téléphone, à coups de zooms outranciers qui font plus porno des années 70 que film d’auteur ! Le style du film, en général, est, d’ailleurs, vieillot. Le scénario souffre, également, d’une certaine facilité puisque, outre un manque de renouvellement (reproche qu’on ne peut plus faire à Allen aujourd’hui), on regrettera quelques grosses ficelles scénaristiques (les lunettes oubliées dans l’appartement du suspect, le coup des magnétophones pour recréer une discussion…) certes amusantes mais qui ne cadre pas vraiment avec le ton du film. Heureusement, le film peut compter sur l’alchimie, toujours intacte entre Woody Allen (dans son habituel emploi de mari névrosé et lâche en perpétuel questionnement sur tout) et la rayonnante Diane Keaton (parfaite en épouse pugnace et farouchement indépendante)… au point qu’on en vient à se demander si le réalisateur ne s’est pas un peu trop reposé sur ses lauriers en faisant, à nouveau appel à l’actrice. Il est, en effet, évident que le film repose sur leurs épaules respectives (bien plus que sur celles des seconds rôles un peu sacrifiés, tels que Alan Alda en ami dragueur, Angelica Houston en écrivain ou encore Jerry Adler en voisin louche) et que leurs discussions et leurs engueulades sont la vraie valeur ajoutée de l’intrigue, qui serait un peu trop commune à défaut. On suit, donc, avec plaisir cette enquête menée par le petit bout de la lorgnette qui bénéficie, comme toujours, du délicieux habillage constitué par les dialogues du maître. Un peu plus de rythme et modernité n’aurait, cependant, pas été de trop.