Le cinéma asiatique a toujours su offrir des thrillers dignes du plus grand intérêt. Cure n’échappe pas à la règle, et va même au-delà en s’amusant avec les codes du genre (asiatiques et américains), tout en effleurant en permanence le registre du surnaturel.
Dès ses premières minutes, le film a de quoi intriguer le plus averti des amateurs de thriller. Si l’officier Takabe enquête sur la classique série de meurtres marqués d’une empreinte qui les relie incontestablement (une croix gravée dans le cou des victimes), il n’est pas ici question de la simple recherche d’un tueur. Déjà parce qu’il n’y a pas un tueur, mais des tueurs, tous différents à chaque crime, et parce que ceux-ci passent tous aux aveux sans souci. Kurosawa reprend donc un certain nombre des codes du genre mais pour les transcender. Les policiers ne vont, par exemple, pas jouer un rôle primordial durant la première partie du film, où Kurosawa préfère prendre directement le spectateur à partie. Il apporte les premiers éléments de résolution de l’énigme, à travers une succession de meurtres dans lesquels il en montre un peu plus à chaque fois. Ce procédé permet d’introduire un vrai climat de tension que le film ne lâchera plus jusqu’à la fin, et de faire accepter une histoire très proche du surnaturel. Les flics ne vont entrer en jeu que plus tard, pour chercher à comprendre le pourquoi de toute cette affaire. Le film bascule alors dans un thriller psychologique et philosophique, qui vient sonder le psychisme humain. Chaque personnage se retrouve alors confronté à sa propre image, et la fin du film se transforme en une sorte de quête personnelle de l’officier.
Comme nombre de ses paires asiatiques, Kurosawa s’avère un génie de la mise en scène. Les plans sont parfaitement cadrés, la photographie parfaitement glauque. Il apporte un soin tout particulier au son, vecteur indéniable d’une tension parfaite dans les thrillers. Ici les bruits des vagues et du vent rejoignent ceux des trains et des voitures. Cette ambiance sonore crée à la fois un côté angoissant, mais plonge également le film dans une sorte de flottement, de sorte qu’on à l’impression que tout se déroule dans une bulle (et ce même si une partie de l’action se passe en ville). Une atmosphère qui colle parfaitement à la dimension presque fantastique du récit Le réalisateur appuie cet aspect à travers plusieurs personnages (dont celui de la femme de l’officier) à l’aspect spectral qui ne sont pas sans rappeler les traditionnels fantômes du cinéma japonais. La demeure de la séquence finale tend quant à elle du côté de la classique maison hantée, plus américaine cette fois. Kurosawa empreinte aussi beaucoup aux thrillers américains. Les séquences dans l’appartement du « sérial killer » possèdent notamment un côté très Seven. Le réalisateur ne fait cependant jamais de son film une simple succession de références, mais les intègre magnifiquement dans une œuvre qui possède son identité propre.
Autant par son scénario que par sa mise en scène, Kurosawa prouve qu’il est un grand amateur du cinéma de genre, au point de réussir à lui donner une nouvelle dimension. Une petite merveille trop peu connue, qu’il serait dommage de ne pas découvrir.
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