Réunir dans un même film Gloria Swanson, Erich von Stroheim, Cecil B. DeMille et (dans un tout petit rôle), Buster Keaton, c’est déja assurer un hommage de haut niveau à l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Mais "Sunset Boulevard" est loin de se résumer à un hommage prestigieux. C’est aussi une démonstration de mise en scène, où Billy Wilder joue en virtuose des espaces offerts par cette grande maison vide au décor baroque et inquiétant, hanté par une actrice "has been" entourée de son seul majordome. C’est un scénario complexe, bien charpenté, parfois à la limite du surréalisme (l’enterrement du singe au début !), dont on se dit qu’il laisse parfois quelques filons inexploités (le fameux scénario écrit en secret par William Holden et Nancy Olson ne joue aucun rôle dans le final : dommage), mais dont les dialogues recèlent de nombreuses pépites ("Je ne suis pas devenue moins grande, ce sont les films qui sont devenus petits"). C’est surtout une démonstration de l’incroyable talent de Gloria Swanson, dont c’est le dernier rôle majeur à l’écran, longtemps après son éclipse due à l’événement du parlant – un rôle qui est quasiment le sien dans la vie, à ceci près qu’à la différence de Norma Desmond, elle avait pleinement accepté son retrait de Hollywood. Quel feu dans le regard ! Quelle puissance expressive dans chacune de ses poses et de ses mimiques ! Quel pur talent de comédienne (son imitation de Chaplin) ! On comprend aisément pourquoi elle fut une superstar du muet – et, accessoirement, on remet à leur juste place Jean Dujardin et Bérénice Béjo, acteurs estimables mais ô combien inférieurs dans le surestimé "The Artist", hommage moderne au muet qui est paradoxalement plus fidèle techniquement (car réellement muet), mais plus décalé dans l’esprit que "Sunset Boulevard". Peu importe, finalement, si William Holden n’est que correct, si Nancy Olson est mignonne mais fadasse – en un regard, Gloria nous vampirise tous.