Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard), 1950, de Billy Wilder, avec William Holden, Gloria Swanson et Erich von Stroheim. Billy Wilder est un cinéaste bien placé pour nous proposer ce regard cruel, implacable sur le monde d’Hollywood, usine à rêves qui fabrique aussi des cauchemars. Fuyant le nazisme, comme nombre de ses collègues juifs, il a dû s’adapter à un monde nouveau pour lui, auquel il a apporté une grande richesse culturelle et cinématographique. (Se souvenir du documentaire de Karen Thomas « De Hitler à Hollywood », 2007). Même si je préfère le Wilder des brillantes comédies, je reconnais que ce film est remarquable, pour son scénario, sa narration, ses images, ses comédiens. Mais comme cette satire est noire, tragique, amère, et engendre le malaise ! Seul moment de comédie : la délicieuse imitation de Charlot par une éblouissante Gloria Swanson. Pourtant, ce brûlot anti-Hollywood est probablement toujours actuel, comme en témoigne la récente grève des scénaristes…L’un de ceux susceptibles de jouer, comme dans l’histoire racontée, les gigolos auprès de vielles actrices déchues, prisonnières à vie de la pellicule qui les a faites. Chaque personnage joue double jeu (ou « singe »), brouillant les lignes entre fantasmes et réalités, entre cinéma et vraie vie, toujours pour sauver ce qui peut l’être ou seulement pour sauver les apparences ou les mémoires : l’ex mari et metteur en scène de l’ex vedette du muet joue au majordome, le scénariste gigolo joue à l’amoureux, la vieille star joue son come-back, la jeune fille joue à la fiancée... Même la maison est double : à l’abandon à l’extérieur, cossue à l’intérieur. Tous incarnent si bien un autre qu’eux-mêmes qu’ils en perdent toute identité. Seul Cecil B. DeMille joue Cécile B. DeMille, comme pour nous donner un étalon de vérité, pour nous dire où commence le cinéma et où il s’arrête…Encore que rien ne soit certain, sauf la mort, celle du singe au départ, de l’homme à la fin.