Je suis bien obligé de comparer ce film à Chantons sous la pluie. J'ai pourtant conscience des risques, je sais que l'on va me tomber dessus car les deux films n'ont, sur le genre, rien à voir.
Mais c'était bien trop tentant de comparer deux oeuvres qui ont pour trame principal l'Hollywood dévasté de l'après muet. Chantons sous la pluie lui, abordait finalement ce thème d'une façon joyeuse, promettant au cinéma des lendemains qui chantent avec les comédies musicales. Boulevard du Crépuscule est tout l'inverse : la décadence des ex-stars, la folie qui touche le milieu, cette nostalgie morbide, ce faste irréel et pédant, qui tranche avec un hollywood des années 50 plus libéré voir popularisé mais qui perd, en même temps, de sa majesté (même si, vu des années 20**, cela nous parait toujours aussi classe).
Ce qui ne veut pas dire pour autant que Boulevard du Crepuscule est un hommage aux films muets. Peut-être qu'il s'agit d'une critique, et encore une fois c'est en cela qu'il se distingue positivement de Chantons sous la pluie par exemple. On peut y voir en effet un monde très fermé, égocentrique et presque incestueux où tout le monde connait tout le monde, restant en famille. Des stars qui ne se remettent pas de leur gloire passé, faite de palaces immenses et de millions de dollars qui font penser à des tombeaux, et des personnages qui sombrent dans la folie et l'aliénation sans accepter qu'un monde évolue autour d'eux.
C'est surtout l'atmosphère déployée, noir, sombre, comme le jeu des lumières et du noir et blanc, qui fait la force de ce film. Car le scénario est très prévisible, bien que le procédé narratif est peut-être inédit pour l'époque (je demande à vérifier, mais je n'en révélerais pas plus). La réussite est donc plus formelle, tout d'abord par le jeu des acteurs : l'incroyable retour de Gloria Swanson, habitée par son rôle. Après quelques lectures, on comprend rapidement que son histoire réelle est proche de celle de son personnage; surtout, son aisance naturelle s'explique probablement parce qu'elle agissait de la même façon sur le plateau de tournage. Soit un excellent choix de casting. William Holden tient la baraque, est assez classe et touchant dans son côté gauche et sûr de lui. Les seconds rôles apportent un véritable complètement au duo, et si je n'ai pas trouvé Nancy Olson fabuleuse, les présences de Cecil Demille et surtout d'Erich Von Stroheim apportent de vrais nuances au film, en intensifiant son côté dramatique.
Je conclurai rapidement sur la réalisation, moderne et satirique, même si parfois à l'eau de rose, mais le montage est très réussi tout comme les plans souvent ingénieux. L'utilisation du noir et blanc, récompensé par un Oscar, est somptueuse et essentielle pour apporter au film sa touche crépusculaire. C'est donc un très beau film, prenant et noir, assurement un des chef d'oeuvres des années 50.