Bon, je ne serai pas complètement aussi optimiste que mes prédécesseurs sur ce film, qui s’avère une adaptation honorable quoique scolaire de la pièce, qui à mon sens témoigne surtout des limites entre le format théâtral et le format cinéma qui sont deux univers plus distincts qu’on ne peut le penser.
C’est vrai le film est très fidèle à l’œuvre qu’il adapte, et on retrouve de belles qualités classiques. Un casting de très bon niveau, avec en particulier un Roger Coggio déchainé, des seconds rôles prestigieux et ayant largement usés leurs souliers sur les planches à l’instar des regrettés Michel Galabru et Jean-Pierre Darras, quelques débutants prometteurs avec Fanny Cottençon qui reviendra dans plusieurs autres adaptations de Coggio, bref, le casting est percutant et pertinent. Il s’agit certes d’acteurs mais aussi et surtout de spécialiste du théâtre, et cela se ressent complètement ici. Ils nous servent des prestations hautement théâtrales.
Et comme annoncé, c’est sans doute là que le film loupe un peu le coche. On se rend bien compte que l’efficacité théâtral, à l’écran, et bien ce n’est pas franchement cela, surtout si l’on n’a pas réellement fait une adaptation d’un format vers l’autre. Or, ici, par le débit du texte qui est parfois matraquant tant il est rapide, par la réalisation, par la mise en place du décor, du contexte, par le jeu des acteurs, on voit clairement que l’on n’est dans une œuvre un peu batarde, qui tend à s’acheminer vers le film, mais qui se retrouve bien trop au milieu du gué. Du coup je suis resté un peu hermétique à ce métrage, le théâtre ne valant pas uniquement pour ses dialogues ou même ses comédiens, mais pour tout un contexte.
On pourra reprocher au film un certain académisme aussi. Honnêtement cela ne me gêne pas, mais Coggio s’efface de trop. Précisément il ne fait pas seulement une adaptation sur scène d’un texte, mais il adapte à l’écran ce qui est une pièce, et pourtant je l’ai trouvé trop timide. Sans doute fort respectueux de Molière, il oublie néanmoins qu’il est nécessairement confronté à une transcription personnelle dès lors qu’il adapte un art dans un autre art, et cela il l’oublie. Le film manque donc singulièrement d’identité, en dépit d’un travail de décors et de costumes honorable qui nous plonge bien dans la commedia dell’arte. A noter une forte présence musicale, pas désagréable mais un peu envahissante parfois, surtout qu’elle se superpose souvent aux très nombreux dialogues.
Au bout du compte un film fidèle à Molière, c’est un fait, mais qui oublie aussi que pour l’être pleinement et convaincre totalement il n’aurait pas fallu pour cela choisir un art autre que le théâtre. Du coup Les Fourberies de Scapin est enfermé dans un carcan trop étroit et c’est dommage car ce film restera sans doute toujours limité aux classes d’école et ne satisfera que les bachoteurs qui tombent sur la pièce aux épreuves de diplômes ! Je suis un peu méchant, mais j’ai envie de dire, si c’est pour voir une pièce très fidèlement adaptée comme ici, mieux vaut le théâtre. 3 quand même pour la qualité formelle, la fidélité au texte et la belle interprétation.