Les Révoltés est un film intéressant principalement pour les personnages qu’il crée. Il faut être franc, plus qu’un cinéaste mémorable, Browning est avant tout un créateur de personnages, et tout comme Freaks est rentré dans l’histoire pour ses personnages plus que pour son histoire où la qualité de la réalisation, Les Révoltés est un film solide de par ses personnages. Ici, c’est en premier lieu celui de Priscilla Dean qui retient l’attention. Porté par une actrice très investie, un poil en surjeu mais ce qui est nécessaire dans le muet pour combler le déficit vocal, ce rôle est un rôle fort, et à contre-emploi pour une femme dans le cinéma, même encore aujourd’hui. C’est elle qui dirige, qui râle, notamment contre la présence d’un enfant. Elle joue un personnage dur, pas forcément sympathique, du moins au début, mais bien écrit et qui évolue tout de même au fil du film. A ses côtés, deux acteurs. Le méconnu Wheeler Oakman, ici dans un rôle important, qui campe tout autant un personnage masculin surprenant. Il prend en quelque sorte la place de l’héroïne, et il y a des aspects passionnants comme l’éveil de la fibre paternel. Et l’autre acteur est Lon Chaney, qui impose son allure inquiétante dans un rôle de méchant sans foi ni loi qu’il porte avec maitrise, mais un surjeu qui le caractérise tout de même. Adepte du transformisme il campe aussi un autre personnage, secondaire toutefois, Ah Wing, où il est beaucoup plus grimé.
Beaux personnages, beau casting (avec aussi de bons seconds rôles), au service d’une histoire sympathique mais pas exceptionnelle. Le réalisateur cherche à transmettre un message engagé sur le droit au repentir, sur les risques des erreurs judiciaires (acharnement judiciaire en particulier), et le fait en cherchant l’optimisme. Le film est court, il y a de belles idées, notamment dans la construction de la relation de couple, et la gradation est solide jusqu’au final explosif. Maintenant l’intrigue reste assez circonscrite, il y a parfois des éléments amenés sans réelle explication (le gamin, ça parait un peu prétexte à nourrir la partie centrale quoiqu’on en dise assez vide autrement). Le métrage est divertissant et le réalisateur cherche à élever son film par un message louable, il n’en reste pas moins que la narration un peu décousue pourra un peu déranger.
Quant à la forme, Browning s’intéresse à l’ambiance, à l’atmosphère et crée un métrage convaincant avec pas mal de références au film noir. Le réalisateur se montre sobre et ne multiplie pas de façon hasardeuse les effets alambiqués. C’est simple, efficace, notamment dans les séquences d’action (très bonne scène dans la dernière partie du film tout spécialement). Je ne peux pas dire que ce soit très fouillé (parfois c’est un peu banal, comme lorsque Dean se rend compte qu’elle n’est pas si dur que cela), que l’ambiance soit véritablement saisissante, mais il n’y a pas de platitude, et Browning a au moins le mérite du dynamisme dans sa réalisation.
En conclusion, je dirai que ce film est un bon moment à passer, avec des acteurs au poil, des personnages très bien écrits, un travail formel honorable, tout cela au service d’une histoire simple mais assez agréable à suivre. Loin de son style habituel, le réalisateur signe une curiosité qui mérite le visionnage. 3.5