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Frédéric P
15 abonnés
185 critiques
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4,5
Publiée le 18 août 2019
Un potier et un paysan pris par l'avidité et la gloire délaissent leurs épouses pour respectivement faire des affaires grâce à la guerre et devenir Samouraï .
Attention, cette critique dévoile des éléments essentiels de l'intrigue. Le trajet est simple et sa morale imparable : d'où vient alors l'émotion qui nous terrasse à la fin des "Contes de la lune vague après la pluie" ? La grande intelligence de Mizoguchi est de ne jamais surplomber ses personnages, de toujours les accompagner sans toutefois faire preuve d'empathie. Il use de la distance nécessaire avec eux parce que leur comportement est indéfendable, l'ambition les menant à leur perte. Ou plutôt, ce sont moins Genjuro et Tobei qui sont dévastés que leurs femmes, victimes directes d'un égoïsme finalement vain. Il va de soi que la volonté de Tobei de devenir samouraï est dérisoire : il est présenté comme un paysan sans valeurs et, pour parvenir à ses fins, il se rabaissera à une action ridicule. Tobei sera finalement puni dans une scène à la fois comique et terrible; alors que lui et ses hommes se rendent dans une maison close, Tobei se retrouve par hasard devant sa femme, devenue courtisane après qu'il l'a délaissée. Pour Genjuro, sur qui le film passe le plus de temps, il est séduit par une princesse énigmatique qui l’emmène dans son manoir; cette partie est la plus fascinante en ce que son orientation fantastique vient dire de façon à la fois littérale et métaphorique le passage de Genjuro dans un autre monde : il n'est plus ce potier qui exerce son art dans la misère mais devient un prince qui vit un rêve éveillé. La mise en scène de Mizoguchi est aussi pragmatique qu'inventive pour décrire cet univers onirique; que ce soit par le choix des costumes (la robe blanche de la princesse), la photographie qui devient subitement beaucoup plus lumineuse ou encore des panoramiques circulaires ingénieux qui permettent de changer de décor sans coupes afin d'assurer une continuité étrange, on est comme transporté dans un autre monde. Mais cette incursion fantastique n'a rien d'idéal, elle enferme au contraire Genjuro dans une folie qui ne s'estompe que dans les dernières minutes, au moment où il comprend que la femme qu'il retrouve au foyer n'est qu'une abstraction : il ne lui reste que son enfant qu'il devra élever seul. Par ses talents de conteur et la limpidité de sa mise en scène, Kenji Mizoguchi réalise une tragédie humaine poignante et emploie le fantastique non pas pour échapper au réel mais pour mieux le servir, pour en dévoiler toute la cruauté.
Retour aux sources. Ce film serait un des premiers kaidan au cinéma. Il raconte l’histoire d’un potier qui vit dans un petit village. La guerre est annoncée mais ça n’empêche pas notre gars d’aller vendre ses créations à la ville. En vrai, il rêve de gloire et de richesse. Alors que son village subit les outrages d’une armée de crevards, il se rend chez une riche cliente qui veut lui acheter son stock et peut-être son âme. Ça commence comme une comédie et on rit de bon cœur devant des personnages un brin caricaturaux et surtout inconscients de leur ridicule. Les femmes sont ici la raison et la sagesse, c’est certain. On continue dans un registre qui est plutôt celui de la comédie de mœurs. Notre campagnard se laisse séduire par les atours de la noblesse dans ce qu’elle a de plus séduisant. Mais comme en vrai, la noblesse ne donne pas gratuitement et celui qui croit la berner est le dindon de la farce. Le vrai visage de cette cliente fortunée sera peu reluisant et nous fera basculer dans l’ambiance fantastique. La morale de cette histoire ? Au gré de quelques plans de toute beauté (la traversée du lac), Mizogushi nous plonge dans une farce féroce et trépidante. A recommander.
Un film totalement maitrisé. Il y a tout dans ce film, une superbe photographie, un superbe scenario, et des acteurs tout en maitrise. A cette perfection technique s'ajoute la perfection scénaristique. C'est un film sur la cupidité de l'homme tel qu'oin la voit maintenant et tel qu'elle a toujours été. Un film universel donc. CHEF D'OEUVRE
C'est un très beau film des années cinquante. C'est filmé juste après la seconde guerre mondiale, l'empire japonais vaincu et dans un japon moderne géré par l'Amérique. Là les décors sont soignés et l'ambiance de la fin du moyen âge au Japon parait crédible. Une bonne ambiance de village médiévale. Plusieurs histoires imbriquées les unes aux autres. Les scènes sont longues, plus de dix secondes par scènes. Les histoires personnelles sont intéressantes.
Un film sublime où Mizoguchi fait du conte japonais le cadre esthétique d'un récit de survie en temps de guerre. Son film illustre une vérité humaine : ce sont toujours les mêmes qui sont les premières victimes de la guerre. Mizoguchi filme ses personnages avec de doux travellings latéraux qui sont chez lui le contrepoint formel du tragique. Une rétrospective Mizoguchi s'est ouverte à la Cinémathèque française. L'occasion de voir ou revoir ses chefs-d'oeuvre, Voir ma critique complète sur mon site : newstrum.wordpress.com
Un film étrange, assez onirique, ce caractère étant encore renforcé par l'environnement moyenâgeux. J ai eu du mal à rester dedans... mais au final une oeuvre rare à découvrir
C'est l'histoire de la désillusion. Le désir qui s'évanouit dans les limbes de la nuit. Tous les espoirs de chaque personnage est anéanti dans les ténèbres. Une beauté poétique qui est pleine de sens et de tristesse car cela parle de souffrance et de mort. Très beau.
"Conte de la lune vague après la pluie" est sans doute le film le plus connu de Kenji Mizoguchi, Lion d'argent à Venise en 1952, où pour la première fois sans doute le style du réalisateur emprunte au lyrisme et recourt au gros plan qu'il avait jusqu'alors tenu à distance de sa caméra. Visuellement somptueux, le film scénarisé par Yoshikata Yoda son fidèle collaborateur depuis "L'élégie d'Osaka" (1936) et par son ami d'enfance Matsutara Kawaguchi (déjà réunis pour "Conte des chrysanthèmes tardives" en 1939) opère la jonction de deux nouvelles d'Akinari Ueda. Dans un Japon médiéval tourmenté, quatre personnages, deux sœurs et leurs maris, vont voir leurs destins bousculés par les tourments de la guerre qui dévoile la véritable nature de chacun. Genjuro (Masayuki Mori) artisan-potier entend profiter de l'occasion pour accroître sa richesse alors que son beau-frère Tobie (Sakae Ozawa) rêve de devenir samouraï. Leur cupidité et leur ambition démesurée sera tout à la fois source d'apprentissage mais aussi générateur de malheur pour leurs épouses à travers la prostitution et la mort. Encore une fois Mizoguchi expose la différence de statut entre les hommes et les femmes au Japon où ces dernières subissent, le plus souvent à leur détriment, les foucades des hommes de leur entourage proche. Dans ce Japon encore obscurantiste du XVIème siècle, Mizoguchi convoque les fantômes du spectacle nô pour nous immerger dans une atmosphère d'irréalité envoûtante qui n'entrave en rien sa volonté de creuser toujours un peu plus profond le même sillon de l'injustice faite au cours des siècles à celle qui a le pouvoir de donner la vie et qui le paie décidemment bien cher. Parvenu au sommet de son art, Mizoguchi montre enfin que filmer au plus près ne lui fait pas peur quand il estime que le sujet s'y prête. Ici un contexte tourmenté où toutes les prévenances sont abolies par le chaos de la guerre qui réveille les fantômes.
Cela fait maintenant quelques semaines que j'explore le cinéma asiatique, continuant d'approfondir certains metteurs en scène et en découvrant d'autres, c'est au tour de Kenji Mizoguchi avec Les Contes de la lune vague après la pluie qu'il réalise en 1953 alors qu'il avait déjà plus de 30 années de carrière derrière lui et plus que 3 devant...
Ici il nous emmène dans le Japon du XVIème siècle où la guerre civile bat son plein pour y suivre deux villageois, un potier et un paysan, qui vont partir en ville pour espérer y trouver richesse et/ou réaliser leurs rêves. Adapté de plusieurs histoires écrites par Ueda Akinari, on va y suivre le parcours de ces deux hommes attirés par l'argent et la grandeur au point de leur faire perdre le sens des réalités et de les entrainer dans une chute inévitable où, que ce soit eux ou leurs proches, ils n'en ressortiront pas indemnes.
Il se sert du contexte de la guerre qui offre quelques opportunités pour dresser un portrait peu tendre de l'être humain où la cupidité et l'égoïsme peuvent primer sur le reste. C'est avec intelligence et surtout puissance qu'il montre les conséquences des actes des deux villageois, où Mizoguchi les entraine dans une terrible descente en enfer. Le récit est passionnant et très bien exploité, le cinéaste japonais y inclut quelques touches surnaturelles qu'il maitrise avec brio et joue avec la frontière entre le rêve et le réel, tant dans l'esthétisme que dans l'avancement de l'histoire.
Si l'écriture est déjà de qualité, elle bénéficie surtout d'une mise en scène qui en est à la hauteur où Kenji Mizoguchi met en place une ambiance sombre et fascinante, proche du surnaturel. Se montrant brillant derrière la caméra (mouvement, plans etc), plusieurs séquences sont magistralement orchestrées tandis qu'il capte à merveille les sentiments et sensations des personnages. Il arrive à faire ressortir toute le force et la richesse de son récit, montrant certains aspects abjects de l'humain avec intelligence mais aussi certains points comme le pardon et l'amour.
C'est au coeur du Japon du XVIème siècle que je découvre le cinéma de Kenji Mizoguchi avec Les Contes de la lune vague après la pluie et c'est avec force, intelligence et talent qu'il étudie l'humain à travers une descente aux enfers aussi terrible qu'effrayante.
Tout nous emporte dans cette fable, qui mêle morale, vertus, leçons de vie, et même une pointe de mysticisme. La réalisation de Mizoguchi est très belle, les acteurs ont un jeu très juste et n'en font jamais trop
Un film vaporeux au mystère permanent et à la morale puissante. Mizoguchi débarque donc en ce début des années 50 au festival de Berlin avec une œuvre puissante et purement japonaise. On est tout de suite happé et dépaysé par tant de singularité. On perd vite ses repères au milieu de cet environnement si finement ciselé et à la fois brutal. Le scénario est extraordinaire, la mise en scène éthérée et délicate, le tout me faisant parfois penser à Mulholland Drive. Sublime.
Un an après avoir obtenu une reconnaissance internationale en étant couronné à Venise pour La Vie d'Oharu femme galante (1952), Kenji Mizoguchi confirmait dans ce même festival en décrochant un Lion d'argent pour Les Contes de la lune vague après la pluie. Voilà qui permit de consacrer, en Europe, le talent du cinéaste. Un peu tardivement hélas : Mizoguchi décédera peu de temps après, en 1956, laissant derrière lui pas moins de 85 films (!), en partie disparus aujourd'hui. Cette reconnaissance permit aussi de faire découvrir de nouveaux pans d'un cinéma asiatique fécond, alors bien mal connu. Les Contes de la lune vague après la pluie demeurent l'oeuvre la plus célèbre de Mizoguchi en "Occident", souvent citée parmi les meilleurs films de l'histoire du cinéma. Le scénario est né d'un curieux croisement de deux oeuvres littéraires : celle d'Ueda Akinari et celle de Guy de Maupassant. Féru de littérature (et ayant eu accès dès son enfance à des romans étrangers), le cinéaste et ses deux scénaristes (Yoshikata Yoda, Matsutarô Kawaguchi) se sont inspirés de plusieurs contes de ces deux auteurs pour donner naissance à cette fable morale qui développe la thématique de l'illusion et de la désillusion, entre réalisme et fantastique. Sujets aux illusions de toutes sortes (rêves de gloires, amours fantômes, etc.), les hommes en prennent ici pour leur grade : ils sont belliqueux, cupides, orgueilleux, égoïstes... Leurs folies et leurs faiblesses sont destructrices. À l'inverse, la gent féminine est célébrée (comme toujours dans l'oeuvre du cinéaste) pour sa lucidité, son courage, son amour, ses sacrifices. Les femmes apparaissent à la fois comme les victimes et les vecteurs de rédemption d'une humanité perdue. Cette opposition confère au film une tonalité unique, mélange de violence et de douceur, de trouble et de sérénité, entre cruauté et pardon. Tout cela s'exprime à l'écran dans un noir et blanc superbement contrasté, esthétique propice à la confusion fantastique entre deux mondes, à la frontière indistincte de la lumière et de l'ombre, du visible et de l'invisible, des vivants et des morts. La réalisation et le cadrage, rigoureux et "carrés", laissent s'infiltrer naturellement le mystère. Cela donne quelques grands moments de poésie sombre (la scène nocturne et brumeuse à bord d'une barque) ou d'amour magique (la scène de pique-nique entre la princesse et le potier). La séquence finale est également nimbée d'une émouvante beauté mystérieuse. Mizoguchi avait initialement envisagé un dénouement moins moral, plus noir, sans retour ni repentance. Aurait-il été plus beau ?
Sorti en 1953 et sacré à Venise, "Les Contes de la lune vague après la pluie" constitue le chef-d'oeuvre de Kenji Mizoguchi, classique du cinéma japonais. Classique du cinéma mondial devrait-on dire plutôt, résumant à lui seul la sagesse de la philosophie nippone. Sur le plan formel, l'œuvre délivre un véritable festival de virtuosité. Au cœur d'une reconstitution impeccable du Japon du XVIe siècle, le cinéaste étale ses multiples fondus et ses plans parfois inoubliables. Et que dire de cette lumière fabuleuse et même spirituelle, faisant scintiller la brume sur la mer. Lorgnant même vers le fantastique, "Les Contes de la lune vague après la pluie" propose une réflexion intense et parfois émouvante sur le destin et la question du choix humain. Une perle d'inventivité et de poésie.
Moi qui suis fan du cinéma nippon, je dois admettre ma déception et mon manque d'enthousiasme à la fin de ce classique "made in Japan". Parmi les points positifs, on peut relever cette photographie sublime qui valorise chacune des scènes. La structure narrative est également bien pensée avec une histoire principale se divisant en quatre petites dont chacune reprend une nouvelle soit de Maupassant, soit d' Akinari Ueda. En revanche, la déception vient de l'absence d'intensité émotionnelle qui aurait permis de contrebalancer une histoire trop classique dont le cinéma japonais de l'époque nous avait déjà amplement habitué: histoires de samourais, de kamis, d'élévation sociale,.... "Les Contes de la lune vague après la pluie" ne m'a pas transporté même si j'en ai apprécié les qualités certaines.