On ne peut pas dire que cette adaptation du Tartuffe soit la plus enjouée qui soit...Dans des pièces nues, sous des éclairages ternes, Gérard Depardieu met en scène la pièce de Molière en gommant tous ses effets comiques, non sans prendre le risque de la dénaturer. A cet effet, la mise en scène est sombre, figée, affectée. Les personnages, dépassionnés, sont tous dans l'affliction où les a mis l'aveuglement d'Orgon, entiché du pieux Tartuffe et décidé à lui donner sa fille et sa succession.
Certes, les comédiens sont brillants et on admet une adaptation anticonformiste. Mais, d'une part, ce style de théatre filmé, dépouillé et grave, est ennuyeux, rébarbatif; d'autre part, le personnage de Tartuffe, tel que l'imagine et l'interprète Depardieu, n'est pas vraiment convaincant. C'est aller, semble-t-il, contre le sens et la fonction de la pièce et de son contenu satirique que de faire de Tartuffe -emblème de l'hypocrisie- un dévot peut-être non feint, un amoureux d'Elmire (femme d'Orgon) sincère (et réciproquement). L'ironie de l'oeuvre qui accable, démasque, les faux dévots et la bigoterie n'a de sens que si l'hypocrisie et la fausseté de Tartuffe sont avérées. Ce qui n'est pas le cas ici.
D'un côté, les textes, surtout quand ils sont incisifs et satiriques, abondent dans le sens de l'imposture, de l'autre, Depardieu parait dédouaner Tartuffe de toute intention sournoise, en dépit qu'il n'hésite pas à
chasser Orgon et sa famille de leur demeure.