«Une Balle dans la Tête» est l'une de ces - très rares - forme de quintessence cinématographique difficilement explicable, et susceptible de faire passer des œuvres comme «Il était une fois en Amérique» pour de pâles et très linéaires fresques gangstériennes. John Woo a décidément saisi les manettes du septième art dans toute sa pureté, c'est-à-dire dispensé d'artifices politiques, patriotiques (l'histoire se déroule paradoxalement en pleine guerre du Vietnam), moralisateurs ou même sociaux, et nous met knock-out sans autre avec cette bouleversante ode à l'amitié, en l'occurrence celle de trois jeunes chinois aveuglés par la quête de puissance, superbement interprétés par Tony Leung Chiu-Wai, Jacky Cheung et Waise Lee. Ayant fui Hong Kong pour le Vietnam, où ils espèrent s'en sortir en pratiquant la contrebande, les personnages en question se remettront rapidement de leurs illusions dans une épopée sanglante, tragique et crépusculaire, où les longues séquences de fusillades d'une brutalité palpable, se voient entrecoupées d'instants proprement déchirants. D'une densité dramatique inestimable, le film n'a pas peur de conjuguer émotion et ultra-violence exacerbée de manière quasi ininterrompue; alors que cette volonté d'aller jusqu'au bout et dans le sadisme et dans les sentiments, quitte à atteindre la complaisance pure et simple, aurait facilement pu nuire au cachet d'un quelconque métrage, elle ne fait ici que révéler toute la dimension, toute l'essence même de l’œuvre. Accompagnés par une musique magnifique et aux sonorités vastes (rock'n'roll sous acide et modernisé au départ, hymne synthétique dance lors de l'arrivée des hélicoptères ou durant les fusillades finales. John Woo semble à coup sûr avoir accompli le point d'orgue de sa carrière avec «Une Balle dans la Tête», chef-d’œuvre barbare, émouvant, bouleversant, kitsch, hyper violent, romantique, lyrique, et finalement intemporel. Assurément l'un des films les plus intenses que le cinéma n'ait jamais connus.