Le Lauréat (1967), Mike Nichols
JM VIDEO vous présente sa deuxième leçon sur les incontournables du cinéma. Après Ascenseur pour l\'échafaud et la Nouvelle Vague, nous nous attelons au Nouvel Hollywood (sorte de petit frère de la Nouvelle Vague) avec le film mythique de Mike Nichols : Le Lauréat. Si ce film est sorti en 1967 à une période qui voit le rayonnement du modèle américain, le cinéaste s'attarde sur un autre visage de l'Amérique : celui d'une jeunesse désœuvrée et coincée entre une société conventionnelle et de nouvelles aspirations.
Benjamin Braddock (interprété par un Dustin Hoffman alors peu connu) est un jeune diplômé sclérosé et inexpérimenté qui va vivre un parcours initiatique le menant à une entrée fracassante dans le monde adulte grâce à deux femmes. La première est Mrs Robinson, femme mariée et névrosée, avec laquelle il entretient une aventure pendant quelques mois. La seconde est Elaine, fille de la première, dont Benjamin tombe amoureux malgré les interdictions de sa maîtresse possessive.
Si Le lauréat peut être considéré comme un "feel good movie" (terme que Boris vient de m'apprendre) grâce à des acteurs frais, un humour toujours présent même dans les situations cocasses et un scénario fluide, il demeure aussi incontournable pour son esthétique moderne pour l'époque.
Dans la première partie, qui est celle de l'étouffement et des apparences, le malaise est exprimé à travers des innovations visuelles et sonores. Les gros plans et la caméra mobile, parfois subjective, sont utilisés pour être au plus prêt des personnages. Le travail sur l'ambiance sonore et les morceaux inoubliables signés Simon & Garfunkel renforcent les états d'âme. Les accessoires et les décors révèlent les névroses tandis qu'un montage parfois circulaire illustre l'habitude et l'enfermement. La seconde partie , celle de l'émancipation et de la révélation, est quant à elle dominée par le mouvement, l'expressivité, l'ouverture et paradoxalement par une régression vers l'enfance.
Comme nous l'avons vu hier, les films de rupture s'illustrent par une modernité esthétique mais aussi par une critique d'une société souvent ronflante. Le Lauréat ne déroge pas à la règle. Mike Nichols nous y montre une jeunesse qui suit la voie des aînés et une autre qui part à la dérive. Les parents sont autoritaires et plus généralement, les adultes sont interchangeables et vus comme intouchables. A cette société rigide s'oppose la liberté sexuelle, la prise du pouvoir par les femmes tandis que les institutions sont mises à mal et moquées.
Outre le fait que vous passerez un excellent moment, n'hésitez pas à voir et à revoir ce film qui s'est illustré pour sa rupture avec les codes du cinéma classique américain. Nichols a préféré montrer un monde réaliste avec des anti-héros attachants, et parfois rocambolesques, dominés par la pensée, le doute et le besoin criant de vivre. Il ne propose pas de conclusion définitive au parcours des protagonistes, qui sera laissé au choix du spectateur, mais il s'est appliqué à montrer les motivations et les moyens qui les ont poussés à se rebeller. Et chez JM VIDEO, on aime les rebelles !
Pauline Pécou pour JM VIDEO