Un mot : plaisir. Non, bien d'autres en réalité : provocateur, jubilatoire, réjouissant... Revoir « Le Lauréat » au cinéma est une géniale occasion de redécouvrir les vertus d'une œuvre ayant à peine vieilli, merveille de construction donnant la part belle à des personnages inoubliables, portrait d'une Amérique hypocrite, cachée derrière des valeurs morales que le film se plaît à exploser avec bonheur 100 minutes durant. Que ce soit ce héros au comportement souvent irrationnel (débuts fracassants de Dustin Hoffman), cette jeune femme timorée face à une situation complexe et surtout l'inoubliable Mrs. Robinson (Anne Bancroft, au sommet de son art), presque touchante de cynisme et de férocité, Mike Nichols dresse une galerie de portraits complètement à contre-courant de ce qui était fait à l'époque, avec beaucoup d'ironie mais non sans tendresse, le brio des situations, du découpage, du montage, donnant au « Lauréat » un ton assez unique, profondément innovant. D'une intelligence rare dans sa subjectivité comme dans ses dialogues aussi économes qu'efficaces, le film multiplie les scènes cultes, les audaces, à l'image de la première tentative de séduction ou ce dénouement hallucinant
faisant voler en éclats la sacro-sainte institution du mariage à coups d'images inoubliables (le crucifix bloquant la porte de l'église)
. Alors quant en plus la bande-originale signée Simon & Garfunkel est l'une des plus sublimes des 60's (« The Sound of Silence », « Scarborough Fair », « Mrs. Robinson », difficile de faire mieux...), impossible de ne pas s'émerveiller devant une œuvre toujours aussi libre et moderne 50 ans après : indispensable.