"Que la bête meure" est un film simplement monstrueux. Intouchable parabole sur la vengeance et l'esprit de revanche, il attire autant le respect que les larmes. Triste à plus d'un titre, déchirant dans son ouverture comme dans sa conclusion, le film est une sorte de montée progressive vers la violence la plus animale, et le désir de tuer le méchant, interprété par un gigantesque Jean Yanne, devient rapidement obsessionnelle. L'aspect froid du film surprend, aux premiers abords; la mise en scène, épurée, est privée de toute musique, dans les moments les plus dramatiques; en témoigne la scène d'ouverture, glaçante de par ses jeux de silence, et franchement terrifiante, quand on y repense amplement. Un tel impact pour un film si vieux, c'est tout de même fascinant. La mise en scène de Claude Chabrol est elle-même un modèle du genre; froide, couillue, classe, elle nous livre des images marquantes, si ce n'est choquantes, faisant preuve d'un talent certain. Premier film de Chabrol que je vois, je n'ai guère été déçu par son travail de réalisateur. En même temps, comment l'être? Néanmoins, quelques maladresses restent à signaler ( notamment durant la scène où le héros frappe l'héroïne, qui, faut quand même le préciser, à pris un sacré coup de vieux; la fille ou la scène, je ne sais pas ... ), ainsi qu'un montage parfois trop brutal, pas assez fluide. Mais bon, même si le film n'est guère parfait, je ne pouvais lui mettre moins. Oui, je vais vous expliquer pourquoi, patience. Premièrement, et comme je l'ai précédemment avancé, les acteurs sont tous excellents; différents, mais excellents. Ainsi, Jean Yanne aura le rôle principal, celui du salaud de service, terrible prolétaire mauvais; c'est son idiotie, ainsi que sa rudesse d'esprit, qui terrifient tant, et amènent à sa brutalité si célèbre. Le type est un géant du cinéma, une figure inégalable, autant qu'inégalée. Face à lui, un excellent Michel Duchaussoy, acteur que je ne connaissais pas, et au talent si particulier. Tout aussi marquant que Jean Yanne, mais dans un autre registre, il confère une sorte de souffle glacial au film; tout autant que le travail de mise en scène de Chabrol, en fait. Sans pitié, sans compromis, il avance seul dans la nuit, savourant sa vengeance prochaine; ainsi est le résumé de la fin de l'innocence. Ensuite vient le thème principal du film : la vengeance. Traité avec un brio tout particulier, c'est avec classe que le film impose son style, et se démarque de tout ce qui a été fait, comme de tout ce qui se fera. Les "Punisher" ( 2004 ), les "Justiciers dans la ville" peuvent aller se rhabiller, car la France pèse lourd dans le game. Et c'est pas Jean Yanne qui viendra me dire que j'ai tord. Le pauvre en a déjà suffisamment subi les frais ...