Souvent cité comme un incontournable de la filmo du grand Jean-Paul Belmondo, "L’homme de Rio" faisait, pourtant, partie de mes gros retards de cinéphile. Sans doute étais-je trop attaché à l’image du Bébel flic qui, quoi qu’on en dise, a fait sa légende… Quoi qu’il en soit, ce retard est, désormais, rattrapé… et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on se trouve devant un film particulièrement atypique qui ne manquera pas de dérouter le spectateur, à plusieurs niveaux. Le ton, tout, d’abord, surprend avec ses élans volontairement absurdes, voire cartonnesques, qui permettent à sa star de briller par ses cascades (comme toujours spectaculaires) et d’enfoncer définitivement le clou de l’acteur physique terriblement sympathique. Belmondo est, comme toujours, un formidable électron libre, à la fois séducteur et maladroit, viril et drôle, charismatique et faillible… et, surtout, il parvient à imposer son style si décontracté à son personnage, marque de fabrique qui ne le quittera plus tout au long de sa carrière. Même lorsqu’il est outrancier (notamment pendant le premier tiers du film), Bébel convainc, ce qui n’est pas un mince exploit. Il faut dire que le reste du casting est au diapason, à commencer par l’excellent Françoise Dorléac, dont le jeu très marqué (et très drôle malgré le côté "demoiselle en détresse" un peu trop présent) sied parfaitement à l’ambiance du film et offre un contre-poids intéressant à la star. Quant à Jean Servais, il campe un méchant merveilleusement classieux et impose le respect par le seul son de sa voix. Certes, le jeu de ce trio vedette apparaîtra forcément suranné pour la jeune génération, tout comme la lourdeur de certains gags qui ont vieilli prématurément le film. Il participe, néanmoins, au charme inclassable du film, qui parait tout droit sorti d'une BD. D'ailleurs, ne nous y trompons pas... Si "L’homme de Rio" est devenu un classique, c’est avant tout grâce à la mise en scène enlevée de Philippe de Broca et son histoire qui lorgne ouvertement vers les grands récits d’aventures pour la jeunesse (à commencer par "Tintin"). L’exotisme du récit, riche en paysage de rêves et en intrigues mystérieuse teintées d’archéologie, s’inscrit parfaitement dans son époque. Mais, plus étonnant, les références dont il se réclame ("Tintin", donc, mais également Hitchcock pour le côté plus "policier") ne l’ont pas empêché de se montrer, par moment, d’une épatante modernité… au point d’avoir redéfini les codes du cinéma d’aventures (notamment américain). Comment ne pas penser à Indiana Jones (lors de la séquence finale) ou à James Bond (qui n’en n’était qu’à son second opus lors de la sortie du film) ? Difficile d’imaginer, aujourd’hui, un film français avec une telle influence mondiale… Ce n’est pas par hasard si "L’Homme de Rio" ne cesse de se bonifier au fur et à mesure que l’histoire avance et s’enrichit de toutes ces références, sans jamais se prendre au sérieux. Les plans de début et de fin de film résument parfaitement cet état d’esprit. Une fois encore, tout n’est pas parfait dans ce film qui, une fois n’est pas coutume dans le filmo de Bébel, s’adresse en priorité à un jeune public et a, dès lors, tendance à se laisser aller à une certaine facilitée, par moment, sur le plan de l’humour. Il n’en demeure pas moins un spectacle incroyablement dépaysant (surtout en 1964, date de sa sortie) et un film d’aventure incontournable pour les fans de Belmondo.