Nous n'avions pas les moyens de fréquenter les salles d'exclusivité parisiennes et , à sa sortie, j'ai dû me contenter des affiches dans le métro. J'avais quatorze ans quand j'ai vu ce film pour la première fois, en 1959. C'était dans une station balnéaire vendéenne, en matinée, par un pluvieux jour d'été.
Il y avait deux séances l'après-midi (pluie oblige): à 13 heures et à 17 heures. J'ai tellement été fasciné que je me suis arrangé pour ne pas sortir de la salle après la première (l'ouvreuse bonne fille n'allait pas jusqu'à inspecter le pipi-room) et je me suis "enfilé" les 3 h40 de la seconde séance dans la foulée, au grand dam de mes parents qui se sont fait un sang d'encre, bien que l'actualité des faits divers de ces années-là ne soit pas aussi sanglante que l'actuelle.
Conclusion, une engueulade sévère. Sauf que mes parents sont allés le voir un autre jour sur la foi de ma "critique". Avec moi, of course !
Bien sûr, j'ai vu ce film au premier degré, à l'époque. Le seul qui marque pour la vie. Depuis, je l'ai bien revu une bonne douzaine de fois, puisque c'est le second DVD de ma vidéothèque , acheté pour remplacer ma cassette VHS à bout de souffle.
Bien sûr, avec l'âge, il y a d'autres lectures possibles:
- l'exaltation de l 'installation des Hébreux en Terre Promise (Produit, réalisé et joué par une majorité d'Israëlites , ce film a été tourné quelques années seulement après la création de l'Etat d'Israël dans les conditions difficiles que l'on sait). C'est un plaidoyer "ad majorem Judei gloriam" qui renvoie à un autre film: "Exodus", de Preminger, sorti 4 ans plus tard.
- L'aspect moralisateur typique du protestantisme d'outre Atlantique.
Certes, il y a quelques anachronismes. Le principal étant que l'Exode s'est produit sous le règne de Séqenenrê Taa, l'avant-dernier souverain de la XVIIe dynastie et non sous celui de Ramsès II.
On peut sourire devant le manichéisme primaire: Les Egyptiens y sont traînés dans la boue, alors que l'Histoire a établi que c'était un peuple pacifique et bon vivant. Les Juifs, eux, sont tous bons et gentils, sauf le vil collabo Dathan (excellent Edward G. Robinson), qui sera - cela va de soi- châtié.
Dans la réalité historique, la sortie des Juifs d'Egypte, pays qui les avaient accueillis comme réfugiés venus de leurs plein gré, ressemble beaucoup plus à une expulsion en masse d'immigrés allogènes devenus trop nombreux, et qui avaient fini par inquiéter les Egyptiens.
Pas un mot sur la manière brutale dont les Hébreux ont chassé de leur Terre promise les premiers occupants, bien que ce soit clairement démonté dans l'ancien testament. Mais bon, il s'agit de la vie de Moïse et rien d'autre.
Tout cela , on l'apprend en devenant adulte.
Mais qu'importe, on ne nous demande pas d'adhérer aveuglément aux thèses de Cecil B. de Mille. Et qui respecte encore chacun des 10 commandements de nos jours !
Il nous reste le plus grandiose peplum de l'Histoire du Cinéma avec Ben Hur .
Une distribution absolument éblouissante, des premiers rôles aux derniers (dominée par le quatuor Charlton Heston, Yul Brynner, Anne Baxter, Sir Cedric Harwick), une mise en scène rigoureuse qui ne laisse rien au hasard, de somptueux décors, une photographie remarquable magnifiquement restaurée par le DVD, une musique que l'on n'oublie plus jamais, des effets spéciaux révolutionnaires pour l'époque d'avant l'informatique, mais surtout et avant tout, un souffle épique de la première à la dernière image, qui nous balaye et nous emporte. Les 220 minutes du film passent comme un rêve.
Une belle histoire d'amour qui finit mal sur un fond d'évènements historiques, le tout conté de façon magistrale, comme sait si bien le faire le cinéma américain (cf: Ben Hur, Autant en emporte le vent, Le Docteur Jivago, Spartacus, Guerre et Paix, Cléopâtre...).
Un film culte, comme on dit maintenant. Un chef d'oeuvre immortel au même titre que les Nymphéas de Monet , l'anneau du Niebelung de Wagner, le Taj Mahal ou le David de Michel Ange.