Votre avis sur Mère Jeanne des Anges ?

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Publiée le 17 février 2015
Jerzy Kawalerowicz fait partie de l'école polonaise avec Andrzej Wajda, Andrzej Munk ou Kazimierz Kutz. Révélé par "Train de nuit" (1959) qui créa l'évènement au Festival de Venise, il se lance deux ans plus tard dans une épure très formelle inspirée par les cinémas de Carl Theodor Dreyer et de Robert Bresson prenant pour sujet le fait religieux très chers aux deux cinéastes. C'est l'affaire des "possédées de Loudun" remontant aux années 1630 qu'il transpose d'Anjou en Pologne. Dans un couvent reclus au fin fond d'une plaine aride, la mère supérieure Jeanne (Lucyna Winnicka) est depuis peu habitée par le diable entrainant avec elle ses condisciples. Hystérie collective liée à l'enfermement ? Déviance mystique ? Les sœurs dans leur délire à forte connotation sexuelle ont provoqué la chute du curé de la paroisse qui a fini brûlé au bucher pour avoir profité sans vergogne de la lubricité ambiante. Depuis les exorcismes privés et publics se succèdent sans aucun débouché concret. Un jeune prêtre (Mieczyslaw Voit) impressionnable et novice dans le domaine débarque au couvent pour une mission de la dernière chance. Ce sera la catastrophe. Kawalerowicz occulte l'aspect politique de l'affaire qui révéla une manipulation du cardinal Richelieu pour se débarrasser d'un prêtre voisin (Richelieu édifiait à quelques kilomètres la cité qui porte son nom) trop proche des protestants, pour se concentrer sur le tourment des âmes et les rituels qui entouraient les affaires de possession nombreuses à l'époque. Le travail sur la photographie est remarquable et le réalisateur aidé de son chef opérateur Jerzy Wöjcik nous offre de nombreux plans saisissants pris le plus souvent en surplomb des immenses salles vides du couvent. Le jury du festival de Cannes de 1961 n'y fut pas insensible qui décerna son Grand Prix du Jury au film. A voir la jolie Lucyna Winnicka se débattre avec les forces qui la possèdent on pense forcément à William Friedkin qui a peut-être regardé le film avant de diriger la jeune Linda Blair dans "L'exorciste". Dix ans plus tard le génial et fantasque Ken Russel proposera une version beaucoup échevelée et érotique de l'affaire ("Les diables" en 1971).
4,0
Publiée le 8 décembre 2024
Sous influence directe du cinéma d’Ingmar Bergman, en ce qu’il cite presque au plan près Det sjunde inseglet sorti quatre ans auparavant – lorsque la célébration de la noce, dans l’auberge, est interrompue par l’arrivée du religieux et donne lieu à un mouvement convergent en direction de la caméra –, Matka Joanna od aniolów déplace la réflexion suédoise sur la vanité pour interroger la dialectique de l’idéalisme et du matérialisme, se saisit d’une investigation pour semer le doute au sein des cœurs et des esprits. L’espace rural fait office d’abstraction où s’égarent des âmes en quête de réponses : deux femmes se situent de part et d’autre de l’échiquier, ancrée chacune dans un lieu qui la définit – le couvent pour la première, l’auberge pour la seconde – et soumises toutes les deux aux spoiler: douleurs du sentiment amoureux
. Une clôture religieuse, censée protéger la moniale de ses démons intérieurs, figure davantage leurs assauts répétés en lesquels se projette le père Joseph, symbole par le bois qui la compose de la couronne d’épines ou de tout autre accessoire destiné à la flagellation ( spoiler: comme le martinet
). Aucune séparation ne prémunit cependant sœur Malgorzata des spoiler: mensonges de son époux d’un soir, intéressé seulement par la chair
, raccordant l’auberge à son statut d’itinérance et la terre polonaise à celle d’une terre de passage.
La rigueur de la mise en scène retranscrit l’ascèse qui régit l’existence des protagonistes principaux tout en restituant le profond malaise des possessions par une caméra mobile, épousant à merveille les déplacements interdits des sœurs – nous retiendrons à ce titre un travelling magnifique suivant mère Jeanne le long d’un mur alors que celle-ci fixe l’objectif de l’appareil, traduction du trouble semé chez le père et chez le spectateur. Les robes de lin tournoient, dessinent au sol des formes qui semblent dépourvues de corps, flottent au grenier en train de sécher : l’habit ne fait plus la moniale. La perte de repères de Joseph Surin compose une catabase avec, comme point culminant, la consultation d’un rabbin qui n’est autre que son double ! La clausule saisit intelligemment la cloche en contre-plongée comme symbole de la lutte infernale entre le Bien et le Mal, elle qui balance sans cesse entre « le blanc et le noir » (dixit un personnage), entre la lumière du jour et l’obscurité des passions humaines. Un grand film.
4,0
Publiée le 21 juin 2022
Film le plus capé de la filmographie du réalisateur polonais Kawalerowicz ( il appartient à la même génération que Wajda, Has et Munk) il obtint le prix spécial du jury à Cannes en 1961.

Inspiré des possédées de Loudun, le scénario nous présente un ecclésiastique exorciste qui se rend dans un couvent dont la mère supérieure serait possédée par le démon.

Critique acide de la religion, Kawalerowicz veut souligner et dénoncer, l'archaïsme des règles de la pratique monacale et religieuse qui excluent la sexualité et travestissent le désir en expression de la volonté de l'esprit malin.

Reussi mais imparfait ( on regrette qu'une fois défini le prétexte scénaristique, le film ne décolle malheureusement jamais vraiment).

Il reste une ambiance , un ton parfois envoutant, même si " mère jeanne" nous laisse avec un petit sentiment d'inaccomplissement.

Quand on regarde la liste des films présentés en compétition officielle, l'année où " mère Jeanne" fut couronnée, on ne peut que s'étonner du choix du jury.

Figurait notamment " la fille à la valise " de Zurlini qui, soixante ans plus tard, me semble bien plus accompli que " mère jeanne" malgré ses indéniables qualités.
anonyme
Un visiteur
4,0
Publiée le 12 décembre 2024
Derrière une apparente sobriété de réalisation se dévoile une esthétique à la frontière de la magie et du mystère de la foi, pour traiter de la frustration sexuelle.
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