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gimliamideselfes
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3,5
Publiée le 31 août 2013
Je ne sais même plus comment j'en suis venu à me retrouver avec ce film, mais en tous cas c'est le film qui a TOUT pour que j'adore : des bonnes soeurs, austère bien comme il faut, de la religion, satan. En somme le paradis !
Et ouais, c'est vraiment pas mal. On a cette photographie sublime en noir et blanc qui va accentuer l'étrangeté de la situation, sublimer ces religieuses, intensifier l'action. Et cette mise en scène qui sait quand utiliser le mouvement. Je pense à la première rencontre entre le prêtre et Mère Jeanne, Jeanne s'enfuit vers une porte, la caméra la suit, s'approche de sa tête et puis l'expression du visage de Jeanne change, on est en gros plan, puis la caméra l'accompagne dans sa folie. Génial ! Je pourrai également citer l'exorcisme où Jeanne est à terre et les quatre prêtres qui tour à tour vont brandir la croix, c'est juste sublime. Ou encore la rencontre entre le prêtre et le rabbin où le visage du prêtre est la seule chose que l'on peut discerner à l'écran et qui reflète la terreur à l'état pur.
Cependant, je vais reprocher quelque chose à ce film, c'est qu'il avait absolument tout pour me plaire, pour que j'adore, mais je n'ai pas adoré. Malgré cette austérité, je n'arrive pas à être touché par cette histoire comme Dreyer peut parfois le faire. Je n'ai pas été emporté dans cet univers et j'en suis le premier à le déplorer. Tout était là mais ça ne prend pas. Je suis resté hermétique. Alors forcément ça me parle moins que d'autres film du genre, mais je peux saluer le côté grandiose du film qui fait que j'ai apprécié, mais il manque une sorte d'âme à ce film, je l'aurai sans doute aimé plus long, plus lent, en s'intéressant peut-être un peu plus aux autres soeurs possédées.
Attention, ma critique contient des spoilers. Je vous déconseille de la lire si vous n'avez pas vu le film. Premier film de Jerzy Kawalerowicz que je regarde et j'ai déjà envie d'en découvrir d'autres que celui-ci. Le scénario m'avait intrigué et le visuel avait l'air sympa (même si j'avais pu lire que ça ressemblait à du Dreyer, et moi Dreyer, c'est pas ma tasse de thé - on peut être cinéphile sans aimer Dreyer, voilà, c'est dit -). Bref, le début est juste génial. En quelques plans succins sur le couvent le réalisateur arrive à faire de ce lieu une sorte d'endroit flippant et mystérieux, et ça souligné par les propos des protagonistes. Y a une atmosphère géniale qui se dégage dès le début. Quand on rentre enfin dans le couvent le mystère s'épaissit encore, faut accrocher au délire car si on ne rentre pas dans le parti pris alors on peut trouver ça ridicule. Après le film évolue sur quelque chose qu'on ne voit pas venir (j'en dis pas plus), il se regarde avec plaisir. Et la mise en scène est excellente. Je pense à deux plans qui commencent de la même façon exactement (le prêtre s'apprête à rentrer dans le couvent) mais qui se situent à deux moments bien distincts du film et qui ne sont pas filmés de la même façon (l'un qui passe avec une caméra subjective sans montrer la personne qui ouvre la porte, renforçant le mystère, l'autre d'une façon plus naturelle, le prêtre fait déjà parti de l'endroit avec tout ce que cela souligne comme changements du personnage, enfin je m'étends pas plus dessus pour ceux qui ne l'ont pas vu). Bref, c'est vraiment très bien.
Attention, voilà un film que vous n'oublierez pas de sitôt! S'il est bien en un sens sulfureux, «Mère Jeanne des Anges» ne constitue pas tant une charge contre l'Église catholique qu'une réflexion existentialiste sur le conflit intérieur qui ronge tout homme (ou toute femme bien sûr). Quelques raccourcis font craindre au départ un énième pamphlet anticlérical grossièrement écrit (le prêtre a une interprétation bien subjective de son ministère au début du long métrage, les conseils qu'il donne à Mère Jeanne sont en effet étrangement personnels et relatifs, et l'on en vient à se demander si le souffle libertaire des années 60 n'y est pas étranger). Mais en fin de compte Jerzy Kawalerowicz ne se soucie pas de l'exactitude voire même de la vraisemblance des personnages, il s'attache davantage à leur essence dans une perspective d'universalité tout à fait louable. À vrai dire les repères spatio-temporels sont pulvérisés, nous sommes en Pologne il y fort longtemps, au coeur d'un conflit opposant raison et sens, loi et intuition, sacerdoce et désir charnel, c'est tout. À ce titre l'esthétique somptueuse du long métrage s'accorde parfaitement avec le traitement du fond : dépouillée et virtuose, la mise en scène de Jerzy Kawalerowicz évite toute démonstration, préférant cultiver le mystère et le non-dit, laissant le soin aux corps et aux visages de ses excellents acteurs de traduire leur souffrance intérieure. L'aspect visuel, parfois grotesque et inquiétant, rappelle (en plus sobre) certains tableaux flamands signés Bosch ou Bruegel, Jerzy Kawalerowicz peut même être comparé à une sorte de Bergman polonais, tant par les thématiques qui le traversent que par l'esthétique cauchemardesque de son film, proche d'un «L'Heure du Loup» ou du «Septième Sceau». Et puis l'interprétation fiévreuse de Mieczyslaw Voit et Lucyna Winnicka vaut le coup d'oeil! À tous points de vue, «Mère Jeanne des Anges» force l'admiration et surtout fascine de bout en bout. À voir absolument! [4/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/
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3,5
Publiée le 8 mars 2017
Autant le dire tout de suite : "Mère Jeanne des anges" est une oeuvre hallucinante, qui, non seulement laisse des sèquelles indèlèbiles, mais qui, parallèlement, confirme le talent du polonais Jerzy Kawalerowicz après "Train de nuit". Son septième long-mètrage s'inspire assez directement de « l'affaire des possèdèes de Loudun » mais transposèe dans la Pologne du XVIIe siècle, dans une èpure magnifique en noir et blanc! Et dèpouillèe des hystèries baroques qui servirent dix ans plus tard à un certain Ken Russell dans l'un de ses meilleurs films, "The Devils", avec Vanessa Redgrave! Ici, on joue du luth et on chante du grègorien en reduisant les dècors (le couvent, l'auberge et la maison d'un rabbin) avec des bonnes soeurs tout de blanc vêtues! spoiler: L'abbè Surin est chargè d'exorciser des religieuses d'un carmel mais il va tomber amoureux de Jeanne, devenue une supèrieure du couvent! spoiler: Si le film porte le nom de cette dernière, c'est bien l'abbè Surin le personnage principal de l'histoire qui va devoir assassiner deux innocents pour prendre sur lui les dèmons de mère Jeanne! Magistralement interprètè par Mieczyslaw Voit, c'est le portrait d'un grand mystique dèvorè par ses dèmons intèrieurs...
Jerzy Kawalerowicz fait partie de l'école polonaise avec Andrzej Wajda, Andrzej Munk ou Kazimierz Kutz. Révélé par "Train de nuit" (1959) qui créa l'évènement au Festival de Venise, il se lance deux ans plus tard dans une épure très formelle inspirée par les cinémas de Carl Theodor Dreyer et de Robert Bresson prenant pour sujet le fait religieux très chers aux deux cinéastes. C'est l'affaire des "possédées de Loudun" remontant aux années 1630 qu'il transpose d'Anjou en Pologne. Dans un couvent reclus au fin fond d'une plaine aride, la mère supérieure Jeanne (Lucyna Winnicka) est depuis peu habitée par le diable entrainant avec elle ses condisciples. Hystérie collective liée à l'enfermement ? Déviance mystique ? Les sœurs dans leur délire à forte connotation sexuelle ont provoqué la chute du curé de la paroisse qui a fini brûlé au bucher pour avoir profité sans vergogne de la lubricité ambiante. Depuis les exorcismes privés et publics se succèdent sans aucun débouché concret. Un jeune prêtre (Mieczyslaw Voit) impressionnable et novice dans le domaine débarque au couvent pour une mission de la dernière chance. Ce sera la catastrophe. Kawalerowicz occulte l'aspect politique de l'affaire qui révéla une manipulation du cardinal Richelieu pour se débarrasser d'un prêtre voisin (Richelieu édifiait à quelques kilomètres la cité qui porte son nom) trop proche des protestants, pour se concentrer sur le tourment des âmes et les rituels qui entouraient les affaires de possession nombreuses à l'époque. Le travail sur la photographie est remarquable et le réalisateur aidé de son chef opérateur Jerzy Wöjcik nous offre de nombreux plans saisissants pris le plus souvent en surplomb des immenses salles vides du couvent. Le jury du festival de Cannes de 1961 n'y fut pas insensible qui décerna son Grand Prix du Jury au film. A voir la jolie Lucyna Winnicka se débattre avec les forces qui la possèdent on pense forcément à William Friedkin qui a peut-être regardé le film avant de diriger la jeune Linda Blair dans "L'exorciste". Dix ans plus tard le génial et fantasque Ken Russel proposera une version beaucoup échevelée et érotique de l'affaire ("Les diables" en 1971).
Énigmatique, abrupt, tordu : bien polonais. Le film passe d’une manière déconcertante à travers des registres à priori opposés et inconciliables. Le libertinage, l’hystérie, côtoient le surnaturel, l’angoisse spirituelle, le dolorisme. L’art pictural est formidablement élaboré, le jeu des noirs et des blancs, les mouvements des étoffes, en particulier, sont extraordinaires. La création artistique sous régime de démocratie populaire ayant été ce qu’elle a été, on peut subodorer que le cléricalisme catholique pointé dans « Mère Jeanne des anges » masque l’appareil stalinien sévissant dans la Pologne de l’époque du tournage.
Film le plus capé de la filmographie du réalisateur polonais Kawalerowicz ( il appartient à la même génération que Wajda, Has et Munk) il obtint le prix spécial du jury à Cannes en 1961.
Inspiré des possédées de Loudun, le scénario nous présente un ecclésiastique exorciste qui se rend dans un couvent dont la mère supérieure serait possédée par le démon.
Critique acide de la religion, Kawalerowicz veut souligner et dénoncer, l'archaïsme des règles de la pratique monacale et religieuse qui excluent la sexualité et travestissent le désir en expression de la volonté de l'esprit malin.
Reussi mais imparfait ( on regrette qu'une fois défini le prétexte scénaristique, le film ne décolle malheureusement jamais vraiment).
Il reste une ambiance , un ton parfois envoutant, même si " mère jeanne" nous laisse avec un petit sentiment d'inaccomplissement.
Quand on regarde la liste des films présentés en compétition officielle, l'année où " mère Jeanne" fut couronnée, on ne peut que s'étonner du choix du jury.
Figurait notamment " la fille à la valise " de Zurlini qui, soixante ans plus tard, me semble bien plus accompli que " mère jeanne" malgré ses indéniables qualités.
Inspiré de l'affaire des possédées de Loudun ce film de Kawalerowicz se situe aux antipodes de l'adaptation réalisé 10 ans plus tard par Ken Russell (les Diables).Plus proche de l'univers de Dreyer - on reste frappé par la ressemblance entre le prêtre et le fils illuminé d'Ordet - il nous rappelle par sa forme et son esthétisme le fameux "Dies Irae" du maître norvégien.Ascétique, plus authentique dans le fond, il pourra paraître un peu aride à ceux qui comme moi ont vu le chef d'oeuvre de Ken Russell.N'en reste pas moins un film profondément humain ou par moment la grâce nous envahit.