Winchester 73 est le premier des 5 westerns de légende réalisés par Anthony Mann avec James Stewart. Lui succèderont Les Affameurs en 1952, L'Appât en 1953, Je suis un aventurier en 1954 et L'Homme de la plaine en 1955. L'association entre le cinéaste et le comédien ne se limite toutefois pas à cette série mythique. Dès 1953, Stewart incarne le jazzman Glenn Miller dans Romance inachevée. Mann le dirigera aussi dans deux film d'aventures, Le Port des passions en 1953, et Strategic Air Command, un film sur les avions de la sécurité aérienne américaine, en 1955.
Interrogé en 1968 par Barry Pattison et Chris Wicking pour la revue Positif, Anthony Mann déclarait à propos de Winchester 73 : "Tout le film était centré autour du fusil qui, passant de main en main, révélait les personnages. Dans la mesure où il était le prix d'un concours de tir, tout le monde le désirait. C'est lui qui donnait au film son unité et il devenait à son tour un personnage de l'histoire. Ce que j'aime aussi, dans Winchester 73, c'est le décor de la fin. Lorsque j'ai fait mes repérages, j'ai été très content de découvrir ces rochers. Les deux hommes ne pouvaient pas se battre sur un terrain plat. Ils étaient trop bons tireurs et le duel n'aurait duré que quinze secondes. Dans les rochers, au contraire, ils devaient se servir de tout leur corps et être extrêmement prudents, beaucoup plus qu'à découvert. De plus, le duel devenait plus passionnant."
Interviewé en 1967 par Jean-Claude Missiaen pour les Cahiers du cinéma, le réalisateur évoquait sa collaboration avec James Stewart : "(...) je l'avais connu bien des années auparavant, mais je l'avais perdu de vue depuis près de dix ans et, un jour, il m'appela et me dit : "J'aimerais qu'on fasse un film ensemble" Ce fut Winchester 73, un grand succès aussi, et dont je suis assez fier parce que je crois que c'est un western honnête, franc. Avant la guerre, Jimmy était considéré comme un très grand acteur; il était l'égal de Cary Grant (...) Le problème pour cet acteur, pour cette vedette, était de trouver ce qu'il pourrait faire en dehors de ce qui avait fait sa gloire passée. C'est alors que nous avons eu l'idée de lui proposer de jouer dans un western, bien que Jimmy ne soit pas du type " grand costaud" (...) Dans Winchester 73, nous lui avons donné le rôle d'un homme avare en paroles, ce qui est toujours d'un très bon effet dans les westerns, parce que dans l'Ouest les gens ne parlent pas : on les entend juste grommeler : " Humm, humm... Humm, humm... " Ils réfléchissent intensément, mais il n'expriment pas leurs pensées (...) Ce qu'il ne faut jamais oublier lorsqu'on fait un western, c'est que les images sont bien plus importantes que le dialogue. Et pour donner du poids aux personnages, il faut savoir choisir le cheval, les éperons, l'équipement convenables. Cela servit énormément Jimmy de passer de l'état de comédien léger qu'il était à celui d'homme fort, puisqu'il occupe à nouveau une des premières places au box-office."
Pour des questions de budget, James Stewart n'a pas été retribué par un cachet (le montant de celui-ci s'élevait à 200 000 $). Son contrat stipulait qu'il recevrait un pourcentage sur les recettes - une première à Hollywood. Winchester 73 ayant récolté un beau succès en salles, la star est loin d'avoir perdu au change : Stewart a en effet reçu 600 000 dollars pour son rôle. L'intéressement des comédiens aux recettes du film sera par la suite une méthode de plus en plus courante.
Signalons la présence au casting de deux futures stars d'Hollywood : Tony Curtis qui avait déjà été remarqué en 1948 dans Pour toi, j'ai tué, et Rock Hudson, ici grimé en Indien, et qui retrouvera Anthony Mann sur Les Affameurs.
Winchester 73 est à l'origine un livre de Stuart N. Lake, auteur de Wyatt Earp, Frontier Marshall, récit dont s'inspira notamment John Ford pour La Poursuite infernale (1946). On retrouve d'ailleurs le personnage de Wyatt Earp dans Winchester 73.
Le script de Winchester 73 a été coécrit par Borden Chase, collaborateur de Mann sur Dr. Broadway, Les Affameurs et Je suis un aventurier. On retrouve également le nom de cet écrivain et scénariste au générique de grands classiques du western tels que La Rivière rouge, Vera Cruz ou L'Homme qui n'a pas d'étoile.
Jean Simmons avait été pressentie pour tenir le rôle de Lola Manners, finalement interprété par Shelley Winters. Dix ans plus tard, Spartacus donnera lieu à un chassé-croisé entre le réalisateur et la comédienne : Mann doit en effet réaliser le film, mais est renvoyé en cours de tournage à la suite de désaccords avec Kirk Douglas, et remplacé par Stanley Kubrick. A l'occasion de ce changement d'équipe, Jean Simmons reprend le rôle féminin principal, destiné initialement à Sabine Bethmann.
Avant Anthony Mann, Fritz Lang avait eu l'idée de réaliser un film autour de la légendaire carabine. Un scénario avait été écrit pour lui par Silvia Richards (auteur de L'Ange des maudits), mais ce projet n'a finalement pas vu le jour.
Winchester 73 donnera lieu à un remake pour le petit écran en 1967, avec au générique deux des acteurs de l'original : Dan Duryea et John Doucette.
La bande originale de Winchester 73 présente la particularité de reprendre les thèmes qu'on entend dans plusieurs films antérieurs (composés le plus souvent par Frank Skinner ou Hans J. Salter ), parmi lesquels Canyon Passage de Jacques Tourneur ou L'Oeuf et moi de Chester Erskine.