Premier film de mon cycle W comprenant notamment « La prisonnière du désert », « L’homme des hautes plaines » et « Tombstone » (de G. Pan Cosmatos, en effet). Oui, ce premier western me tenait à cœur car Anthony Mann en est le fer de lance.
D’après le roman controversé de Stuart N. Lake (« Wyatt Earp, frontier marshall »), Anthony Mann en tire donc ce western étonnant, incisif et drôlement marquant (dans le bon sens du terme).
Tout d’abord, l’histoire. Comment une Winchester 73, une carabine des plus rares sur le marché des armes, arrive-t-elle à passer de mains en mains, par une galerie de personnages, tous assez bien fouillés faut-il avouer. Le tout, ancré dans le véritable contexte de l’Ouest américain (évocation des guerres, de Little Big Horn, et surtout du personnage de Wyatt Earp ici incarné par Will Geer –vu dans « Jeremiah Johnson » !). A l’écriture, on retrouve donc Borden Chase (qui a livré d’autres grands classiques tels « La rivière rouge », « Vera Cruz », « Les révoltés du Bounty ») et Robert L. Richards (scénariste établi sur liste noire en période de maccarthysme) qui, associés à ce projet, arrivent à nous immerger dans ce scénario à tiroir (ce qui est assez moderne dans le genre et pour l’époque) mais néanmoins très bien maîtrisé car ne tombant jamais dans les clichés du genre, à savoir une vengeance belle et brutale (je pense bien sûr à « Apaloosa » de notre bon vieux Ed Harris). Ici, le récit suit admirablement bien la fameuse carabine qui en est le fil conducteur. Les scénaristes nous coupent l’herbe sous le pied, et c’est tant mieux !
A cela, le réalisateur du « Cid » ne s’évade pas totalement de la rigueur et des codes imposés du western, même si le final en étonnera plus d’un. Comment un duel peut-il se passer en terrain pentu ? Pour répondre à cette question, seuls poussière, shérifs et figures délavées par la transpiration et la sueur sauront y remédier. Et, ici, Anthony Mann dépoussière le genre à lui tout seul. Bravo !
Et donc, pour parler ambiance, comment passer à côté de ce N&B magnifiquement mis en relief et de cette musique au diapason ? Eh bien, on ne peut pas, tout simplement ! L’on est ainsi transporté par l’incroyable technique de William H. Daniels à la photographie (il a travaillé pour Greta Garbo, « La chatte sur un toit brûlant », « L’express du colonel Von Ryan »…) et de l’entrainante bande-son de Walter Scharf (compositeur pour certains films avec Elvis, Jerry Lewis…). Pour moi, bon western = bonne musique. Tout simplement.
Toujours sur l’ambiance, « Winchester 73 » nous offre tout ce que le western peut nous proposer : chevauchées sauvages, paysages grandioses du Far West, tuniques bleus effarouchés, mais surtout, des indiens (les plus cinéphiles auront reconnu un Rock Hudson –qui devra sa notoriété grâce à Douglas Sirk- grimé en peau-rouge). Ici, les grands espaces marquent le style du réalisateur car les personnages arrivent et partent de nulle part. Une première également dans le genre du western. Brelan de roi, Monsieur Mann ! Et toujours dans sa mise en scène, la violence est de mise, elle est non cachée, brutale comme les hommes sans loi qui défilent devant notre écran. En cela, « Winchester 73 » porte bien la griffe d’un maître : Anthony Mann.
Et le coup de maître de Mann est d’avoir embauché James Stewart (oscarisé pour « Indiscrétions ») en héros rongé par sa vengeance, inéluctable. Au casting, donc, James ‘Jimmy’ Stewart, charismatiquement impeccable. Dans le rôle de Dutch, son ennemi juré, Stephen McNally (il a joué pour Cukor, Don Siegel, Wise…). Stewart/McNally : duo d’enfer, le second arrivant à chiper la vedette au premier. Extra ! A leurs côtés, la féminine Shelley Winters (Mme Gassman à la ville !) qui apporte la fraîcheur du film fordien. Précisons (également pour les cinéphiles !) les débuts de Tony Curtis ‘le viking’.
Pour conclure, « Winchester 73 »(1951), coup de maître d’Anthony Mann, film mythique du metteur en scène (pour ma part, c’est lui qui a eu toutes ses idées novatrices), restera un western bijou et un métrage coup de poing car précurseur du western crépusculaire pourtant immortalisé par « Impitoyable » 42 ans plus tard.
Spectateurs, winchesterement vôtre !
A noter : il s’agit ici de la première collaboration westernienne entre le metteur en scène de « La ruée vers l’Ouest » et de l’acteur de « La vie est belle »/« Fenêtre sur cour ». Les deux hommes continueront leur aventure par « Les affameurs », « L’appât », « Je suis un aventurier » puis « L’homme de la plaine ».