S’il y a bien un type de divertissements hollywoodiens dont le but lucratif n’a jamais été caché, c’est bien les adaptations de jeux vidéos. Et comme toute pompe à fric surfant sur le succès du produit d’origine, la qualité n’est que trop rarement au rendez-vous (seul Silent Hill de Christophe Gans sort du lot). Et fort heureusement, ces films sont souvent synonymes d’échecs commerciaux et critiques, les spectateurs ne se faisant plus pigeonner de la sorte ! Car si les adaptations de jeux ne sont pas dans le cœur du public, c’est notamment à cause du manque de fidélité à l’original, dénaturant totalement ce dernier (ah, la saga Resident Evil de Paul W.S. Anderson…). Mais il faut bien un début à tout ! Et ce concept qui veut que nos héros vidéoludiques deviennent des stars du grand écran, nous le devons à l’adaptation la plus improbable que le cinéma nous ait donné l’occasion de voir : Super Mario Bros. !
Mario (Bob Hoskins) et Luigi (John Leguizamo) sont deux plombiers italo-américains de Brooklyn qui, après leur rencontre avec la belle archéologue Daisy (Samantha Mathis) fraîchement kidnappée, se retrouvent transportés dans une autre dimension afin de la retrouver. Un autre monde peuplé de dinosaures ayant évolué en forme humaine, dirigés d’une main de fer par Koopa (Dennis Hopper). Un dictateur qui voit en Daisy, en réalité une princesse de ce monde et détentrice d’une mystérieuse pierre, l’occasion d’envahir l’univers des humains, afin que les dinosaures puissent à nouveau reprendre leur suprématie.
Honnêtement, il est assez difficile de juger le scénario de Super Mario Bros. Car tout dépend de l’œil avec lequel vous décidez de voir ce film. Si vous êtes un fan incontournable qui cherche avant tout la fidélité, dire que cette adaptation est catastrophique serait un doux euphémisme ! Adieu notre cher plombier dans un monde féérique et coloré, place à un pauvre péquenaud new-yorkais qui se retrouve dans un univers glauque avec des dinosaures humanoïdes qui savent conduire des véhicules (voitures, motos…) et qui s’habillent à la mode punk ! Déjà là, il y a de quoi crier au scandale ! Mais c’était sans compter sur les autres aberrations blasphématoires dont regorge le film : le personnage de Toad n’est pas un champignon mais un dinosaure tout comme la princesse Daisy et les Goombas, Mario et son frère Luigi usent de chaussures à propulsion… Sans compter les looks des différents personnages (Koopa/Bowser et Yoshi en tête !), qui en feront cauchemarder plus d’un ! Bref, c’est clair et net : sur le plan fidélité, Super Mario Bros. est un fiasco sans nom !
Mais d’un autre côté, il faut se poser cette question : comment adapter un jeu tel que Mario, franchement ? C’est juste impossible ! Il ne faut donc pas en vouloir aux scénaristes (au nombre de trois, tout de même…) d’avoir repris le script basique du jeu vidéo (un plombier sauvant une princesse) et de l’avoir fait à leur sauce, dans un délire pleinement assumé. Qui se permet les répliques et situations les plus vaseuses pour divertir, allant jusqu’à utiliser des bruitages cartoonesques. Sans jamais ennuyer une seule seconde (le film ne fait que bouger et, il faut bien l’admettre, le comparer au jeu s’avère être un véritable plaisir coupable) et puisant son inspiration dans la saga vidéoludique (les champignons du jeu sont représentés par une mycose, les personnages Iggy et Spike sont une référence à Iggy Koopa et Spike, l’ennemi de Mario dans Wrecking Crew, la Bob-Bomb, quelques thèmes musicaux du jeu, le célèbre « Mamma Mia ! « du plombier…) et également dans d’autres œuvres du cinéma des années 80, notamment pour les décors et accessoires (Total Recall, Mad Max, Gremlins, L’aventure intérieure…). Si l’on regarde donc Super Mario Bros. de ce point de vue-là, l’ensemble arrive à être plaisant à suivre. Surtout avec la musique d’Alan Silvestri (Retour vers le Futur, Predator, Forrest Gump) qui met le rythme.
Après, être ridicule ne veut pas dire faire n’importe quoi. Et cela, Super Mario Bros. va tellement loin dans son délire qu’il en oublie de soigner son rendu final. À commencer par son scénario, bourré d’incohérences monstrueuses ! Exemple type : le film aborde la dévolution, un état inférieur d’une créature alors évoluée. Comme nos dinosaures humanoïdes qui peuvent redevenir reptiliens. Alors, quelqu’un a-t-il une explication au fait que le roi des dinosaures, après dévolution, soit un champignon ? Et dans ce cas, comment sa fille (la princesse Daisy) peut-elle être un dinosaure ? D’autant plus qu’elle nait sous forme humaine… et dans un œuf ! Alors rajoutez des fouilles archéologiques en plein Brooklyn pour trouver des ossements de dinosaures sur fond de romance pour adolescents (entre Luigi et Daisy), et le ridicule en devient lourdingue.
Ensuite, le film ne cache pas sa longue et laborieuse production. Durant laquelle les géniteurs du projet ont longuement hésité sur quel public devait viser le long-mérage. Les adultes ou les enfants ? Bien que l’ensemble se montre enfantin (comme en témoigne certaines séquences qui ne fera rire que les tous petits, telle la danse des Goombas dans l’ascenseur), Super Mario Bros. possède bien trop de détails qui peuvent ne pas convenir à un jeune public. Notamment à cause d’un côté trop glauque : la mycose, des Goombas aux têtes réduites façon Beetlejuice, des décors sombres, un début commençant par un orage, un personnage se faisant désintégrer, le côté « réaliste » de Yoshi… Preuve que le long-métrage n’est pas maîtrisé.
Et c’est encore plus flagrant quand l’on regarde les détails techniques. Surtout du côté des effets spéciaux, marqués par une trop grande inégalité : du numérique épileptique alors qu’un certain Jurassic Park venait tout juste d’en faire l’éloge à la même époque, des accessoires et effets qui ne cachent nullement leur nature de plastique/latex alors que Yoshi se montre assez appréciable à regarder, des décors réussis sauf les métalliques qui tremblent comme s’ils étaient faits en mousse… Les exemples sont nombreux ! Venant du coup compléter une mise en scène et un montage faits à la va-vite et qui enchaînent les séquences sans que celles-ci aient de réelles transitions. Perdant ainsi le spectateur pendant quelques secondes (que vient-il de se passer ? la scène a été coupée, non ?).
Sincèrement, en faisant fi de sa débilité assumée et de son manque de fidélité mais non de respect au jeu vidéo, Super Mario Bros. aurait très bien pu être une bonne surprise. Ayant le culot d’adapter Mario à sa sauce, et faisant ce qu’il faut pour amuser. Malheureusement, le long-métrage reste assez riche en défauts pour qu’il garde tout de même sont titre de mauvais film. Voire d’éternel nanar qui ose proposer à son casting Bob Hoskins (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?), John Leguizamo (la VO de Sid dans la saga L’Âge de Glace), Dennis Hopper (Easy Rider, Apocalypse Now, True Romance, Speed), Fiona Shaw (Tante Pétunia dans la saga Harry Potter) et Lance Henriksen (Terminator, Aliens). Ainsi que le nom d’un réalisateur tel que Roland Joffé (La Déchirure, Mission, La Cité de la Joie) à la production. Et qui, même s’il ouvrait la marche sur les adaptations des jeux en films, sonnait déjà le glas pour ce genre hollywoodien.