J'ai longtemps entendu parler de "Godzilla", tant en bien qu'en mal. Adorant les films de science-fiction de l'époque ( soit les années 50-60 ), je me devais de le visionner. Et je l'ai fait. Et franchement, je ne m'attendais pas à tomber sur un tel résultat. Loin du film vieillissant auquel je m'attendais, le "Godzilla" d'Ishirô Honda est un véritable chef-d'oeuvre, une oeuvre majeure dans le genre, et marquante comme aucune autre pareille. Premièrement, il faut signaler un important travail de mise en scène : c'est beau, c'est réfléchi, en un mot, c'est satisfaisant. Surtout pour l'époque; en replaçant le film dans son contexte, la réalisation paraît véritablement époustouflante, et étonnement moderne. Je pense que sa modernité est principalement dûe à un savant mélange entre musique et images, à une gestion des rythmes de grande qualité. Car quoi que l'on en dise, Honda sait ce qu'il fait; c'est un pro, un vrai. Jouant donc avec le noir et blanc de son film, il offre à son oeuvre une âme, une personnalité véritable, le rendant à la fois profond et viscéral, reflet des angoisses d'une génération toute entière, et des peurs d'une nation détruite par les retombées de la guerre, devenue, l'espace d'un instant, guerre atomique. Et c'est justement cette peur du nucléaire, et ce désir de changer les choses, ainsi que le cours de l'histoire, qui donnent au film sa raison d'être; il n'existe que pour lutter contre la folie destructice de l'homme, en témoigne le savant fou, analogie vivante du docteur Frankenstein,
et qui préfère se suicider plutôt que de survivre, laissant sa création tomber dans l'oubli; ayant mis au point une arme pire que la bombe atomique, il se sacrifie pour qu'elle ne tombe pas en de mauvaises mains.
Le message passe clairement, et le parallèle est vite fait. Cette angoisse se retrouvé d'ailleurs, tout du long, dans l'écriture même de l'oeuvre. Les références aux bombes américaines sont souvent faîtes, trouvant un point d'ironie dans le matériel militaire utilisé par les soldats japonais, à l'évidence lui même américain. Seulement, les personnages n'éprouvent aucune haine à l'encontre des ricains; non, ils vont presque jusqu'à se jeter la pierre, disant qu'ils ont fait les mauvais choix ayant conduit à ce dramatique état de fait. Ce touchant et profond message passe d'autant plus durement lorsque l'on regarde la fin du film, et ce qui arrive à la créature, elle qui n'avait rien demandé; une fois de plus, le constat que l'homme est de nature violente s'impose à nous, et l'on regrettera les agissements de ces personnages, tant ils seront semblables à ceux de l'homme dans la vie réelle. Pour partir dans des contrées de nature plus optimiste, les acteurs ajoutent également au film, avec le détail particulier que tous crient tout le temps. Ne connaissant guère le cinéma asiatique ( si ce n'est pour "Battle royale" et quelques films de kung-fu de merde; j'ai tout de même l'intention de me rattraper ), j'ai été grandement surpris par tant d'intensité vocale, d'autant plus que cela tranche durement lorsque, de l'autre côté, les acteurs affichent autant d'émotions qu'un droïde dans "Star Wars". Pour conclure, j'aimerai parler sommairement de la créature, Gojira. M'attendant à quelque chose de moche et tellement vieillissant que le film en tomberait dans un ridicule profond, quelle ne fut pas ma surprise à la vue d'un costume si bien fait, et d'une excellente gestion des proportions. Vraiment, au niveau des effets spéciaux, comme du reste d'ailleurs, c'est du très bon. "Gojira" est donc un grand film, que je conseille à chacun de vous. Du grand art, à la fois viscéral et émouvant. Aujourd'hui encore, l'on n'a pas fait mieux, pas même Emmerich ou Edwards.