Dans ma jeunesse, j’avais un pote qui avait trois copines en même temps. Jusqu’au jour où il s’est retrouvé avec les trois au même endroit… au même moment. Situation improbable quand on sait que ces trois jeunes filles habitaient à des dizaines de kilomètres les unes des autres, voire une bonne centaine et même plus. Une situation un peu semblable à celle de Gaspard, personnage central du troisième acte de la quadrilogie d’Eric Rohmer qui s’impose de plus en plus comme le cinéaste de l’âme humaine. A la différence près que Gaspard a ces filles à pied d’œuvre, les trois résidant dans un mouchoir de poche. Sauf que mon pote en question et Gaspard sont fondamentalement différents. Dans le cas de mon pote, il ne se posait pas autant de questions. Lui, il croquait la vie à pleines dents. Et puis qu’est-ce que ça a été drôle de le voir prendre la poudre d’escampette devant cette situation inextricable !! Mais ici, il n’y a absolument rien de drôle. C’est même d’un pathétique ! Le sujet aurait pu susciter l’intérêt de tous si le ridicule de la situation avait été exploité avec un brin d’humour par des scènes épiques. Au lieu de ça, "Conte d’été" ressemble plus à un cours de philosophie qu’autre chose, notamment quand Margot (Amanda Langlet) et Gaspard (Melvil Poupaud) se donnent la réplique. En regard de leur jeune âge, je ne peux dire que j'aie été convaincu (pour ne pas dire pas du tout) par la teneur de la réflexion. Ce n’est pas que je prends les jeunes pour des idiots finis, loin de là, mais je les vois mal décortiquer jusqu’au moindre détail leurs pensées erratiques. Paradoxalement le propos est intéressant, notamment auprès des personnes qui se cherchent, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes mais voilà : si je parle de cours de philosophie, c’est parce que l'interprétation des acteurs ressemble à du scolaire. Le plus flagrant est dans les échanges verbaux entre Margot et Gaspard car on dirait bien qu'ils récitent leurs leçons assidûment apprises par cœur. De toute façon, la manière dont ils ont été mis en scène fait penser à celle qu’on met en œuvre au théâtre. Pareil pour les discussions entre Léna (Aurélia Nolin) et Gaspard. C’est un peu moins vrai quand Gaspard est confronté à Solène (Gwenaëlle Simon) si on excepte leur dernière association à l’écran : on y sent un peu plus de spontanéité, et c’est sans doute dû à cette jeune femme qui sait ce qu’elle veut… et ce qu’elle ne veut pas. Dans tous les cas, c’est un peu (beaucoup ?) « je t’aime moi non plus ». Mais le plus agaçant, c’est Gaspard, ou plutôt Melvil Poupaud. Déjà par sa psychologie de son rôle en mec qui ne sait pas ce qu’il veut, tel un gars qui se cherche et qui en prime n’a aucun caractère ni la moindre personnalité. Mais ce qui m’a agacé le plus, c’est sa gestuelle : visiblement en mode réflexion permanente. Et vas-y qu’il porte la main au menton, et vas-y qu’il porte la main à l’oreille, et vas-y qu'il se triture les mains quand il ne fourre pas dans ses poches ou les pose sur les hanches. C’est qu’il ferait presque peine ce gars-là ! Ben même pas. Pire, je l'ai trouvé horripilant. On voudrait même le secouer un bon coup pour qu’il daigne grandir parce que qu’est-ce qu’il est gnangnan ! Pire, on ne comprend même pas pourquoi ni Margot, ni plus tard Solène, ne l’envoient pas valser. De la même façon qu’on comprend pas pourquoi il n’éjecte pas Léna au caractère changeant. Franchement… je veux te voir mais je pars en vacances ailleurs sans même te prévenir en t’envoyant une petite carte postale, j’ai un amoureux mais je dois du temps à ma famille, je ne veux plus te voir mais le lendemain je te rappelle presque comme si de rien n’était… Bref, tout ce qui m’énerve. Je sais que ça existe, bien sûr, et en cela je salue Eric Rohmer pour avoir su le porter à l’écran, mais bon sang que j’ai trouvé tout cela ennuyeux ! La réalisation est trop plate, ne met pas vraiment en valeur les personnages malgré leur omniprésence, et encore moins les paysages bretons. Bon ok, ce ne sont pas non plus les plus beaux décors de l’Armorique. Cependant le réalisateur a su préserver une certaine authenticité en excluant presque totalement la musique hormis les notes sortant d’une ou deux guitares et accessoirement d’un accordéon, et en laissant un effet de résonance sur la bande son comme s’il s’agissait d’un document amateur pris sur le vif.