L'année suivant la sortie de Fear and Desire, Kubrick filme (au sens premier du terme, en tant que caméraman), réalise et monte ce qu'il aurait probablement souhaité être son premier film tant il avait honte du précédent ; Le baiser du tueur. Pourtant, le tournage des deux films s'est passé peu ou prou dans des conditions similaires ; même budget minuscule (40 000$), même omnipotence du réalisateur qui s'adjoint, je l'ai déjà dit, quasiment toutes les responsabilités techniques, même absence de prise de son d'où un travail monstre sur les doublages. Mais la comparaison s'arrête là, tant le résultat est, cette fois, plus probant. Non pas que Fear and Desire fut une catastrophe totale, mais plutôt que Killer's Kiss est un long-métrage très abouti. Certes, son scénario n'est pas très développé, mais en 67 minutes de pellicule, difficile de faire autrement. D'autant que cette fois, son thème est simple, dénué de la prétention qui rendait Fear and Desire grandiloquent par instants, et qu'il est parfaitement propice à quelques envolées créatrices en terme de réalisation, sans que celles-ci aient besoin d'être justifiées par un double sens ou de devenir autre chose qu'un simple moyen narratif. On remarque à nouveau, dans une bien plus grande mesure cette fois, combien Kubrick est doué en terme de photographie. Ses éclairages et ses jeux de reflet sont magnifiques, et souvent pertinents. Rappelons quand même qu'en 1954, le type n'avait que 26 ans... bref, bien que trop courte, ce qui sabote quelque peu ses possibilités de développement dramatique, cette deuxième réalisation marque un vrai progrès, et un nouveau pas, pour Stanley Kubrick, sur les sentiers de la gloire.