Lors de la 1ere vision, j'ai comme beaucoup détesté. Avant de réviser mon jugement, au fil des visions, et de trouver à ce "brûlot foutraque" d'immenses qualités cinématographiques. On peut dire que l'effort demandé par Zulawski aux spectateurs est intense : il faut accepter le fait que les acteurs hurlent, gesticulent, font souvent à peu près n'importe quoi, comme des chiens fous. Que les dialogues sont la plupart du temps inaudibles. Que l'excès de certaines séquences est tel qu'on ne comprend plus rien à ce qui se passe sur l'écran. Pourtant... Si l'on parvient à prendre quelque distance avec ce "traitement extrême", les qualités du film sautent aux yeux. D'abord le filmage, proprement stupéfiant : a t on jamais vu Paris montré de cette façon ? Et puis l'histoire, qui, au delà des excès, porte une part de tragique (la quête de revanche de l'héroine) et de symbolique. Luttant, se débattant, se heurtant les uns aux autres, les personnages laissent échapper des regards vers un ciel sans Dieu, et nous interpellent si l'on veut bien les écouter. Survoltés, les comédiens flirtent avec le ridicule sans presque jamais y tomber. Avec ce film, Sophie Marceau (alors âgée de 18 ans) devient comédienne. Huster et Karyo jouent sans filets. Comme souvent chez Zulawski, les seconds rôles étonnent (Roland Bertin, Christiane Jean). Conspué, décrié, massacré à sa sortie, L'Amour Braque a ses afficionados, dont je suis. Avec son opus suivant (Mes nuits sont plus belles que vos jours), Zulawski mettra en sourdine ses excès, avant de lâcher à nouveau les amarres avec "La note bleue". Ce cinéaste majeur connaîtra bien des difficultés à monter ses projets, ce qui est extrêmement dommage tant son oeuvre, unique, est au dessus de la plupart des tâcherons qui officient dans le cinéma français.