Un film qui a raflé tout un tas de récompenses (dix exactement). « La leçon de piano » raconte la destinée d’une femme muette liée contre sa volonté à un homme qu’elle ne connaît pas. Peu à peu, suite à un chantage, une relation sensuelle va se lier entre elle et le contremaître de son mari. Le film s’ouvre et se ferme par les pensées secrètes de l’héroïne mutique. Ce sera les deux seules fois où l’on entendra sa douce voix. Ada, interprétée par Holly Hunter, est une héroïne bornée, glaciale, difficile à cerner. Son mutisme accentue la distance entre elle et le spectateur. Elle est certes, très belle, mais aussi incroyablement lointaine. Le personnage ne semble pas réel avec son regard vide de sentiments. Son piano est en quelque sorte son langage. L’addiction de l’héroïne à son instrument se remarque rapidement. La femme ne parle pas, mais ses notes sont ses mots. Lorsque le piano
sombre, elle est tentée de le rejoindre
. La disparition du piano correspond à la fin du langage, donc à la perte de la quintessence d’Ada, qui trouvera malgré tout la volonté de vivre grâce à l’attention de Georges et de sa petite fille. Celle-ci est interprétée par Anna Paquin qui est encore très loin de son rôle de Malicia. Elle a une belle petite frimousse, joue correctement excepté quand il s’agit de pleurer. Sauf que son personnage est tout bonnement insupportable. Tant de complications auraient pu être évitées si l’enfant était restée fidèle à ses principes ("Je ne l’appellerais pas père" en est un bon exemple). Pour continuer avec les personnages, celui de Sam Neill, Stewart est étrange. Au départ, assez tolérant avec sa femme, il l’attend.
Lorsqu’il la trouve en plein adultère, il ne cherche pas à interrompre l’acte mais décide discrètement et calmement de faire le voyeur. Sa prochaine réaction est la tentative de viol.
Aucune nuance, aucune graduation. Un personnage intriguant. Personnellement, je l’ai plutôt trouvé répugnant. Ce qui doit vouloir dire, je suppose, qu’il interprète bien son personnage. La mise en scène de Jane Campion, bien que classique, reste remarquable. Les thèmes composés par Michael Nyman sont globalement assez beaux, et conviennent au classicisme de rigueur. Un fait original : l’intrigue se déroule en Nouvelle-Zélande. Des décors que l’on voit trop peu au cinéma sont montrés. Pas de grandes villes ou des maisons victoriennes du XIXe, mais des marécages boueux, des petites cabanes en bois isolées, propices aux secrets et à la passion. Concernant l’intrigue en elle-même, mon programme TV m’avait promis une œuvre, je cite, "terriblement romantique, qui mêle sensualité, sauvagerie, pulsions charnelles et poésie". Terriblement romantique ? Pas vraiment. En revanche, "sensualité, sauvagerie, pulsions charnelles et poésie" : oui ! Dans « La leçon de piano », il est beaucoup question de désir, d’envie ou d’absence d’envie de l’autre. La relation entre Ada et le contremaître Georges n’est pas romantique, c’est une liaison basée uniquement sur le désir charnel nourri par l’homme. Au départ, la jeune femme muette ne ressent rien pour son "élève", qui fait d’elle ce qu’il souhaite. Forcément lors de ces scènes, la tension sexuelle est à son comble. Finalement, Ada finira par décider -on ne sait pas comment ni pourquoi- qu’elle désire Georges autant qu’il la désire. Mais pour moi, jamais leur relation ne pourra être qualifiée de romantique. Le tout manque de sentiments amoureux. Que restera-t-il au duo lorsque le désir se sera essoufflé si l’amour n’est pas là pour solidifier le tout ?