Le réalisateur œuvrant dans le monde vertigineux du cinéma à la lourde tâche d'insuffler à son œuvre ce trait si singulier et troublant qui caractérise les plus grands classiques du 7ème art. Devant à la fois se satisfaire ainsi que combler son public, le metteur en scène doit assumer sa vision et son interprétation du scénario d'origine jusqu'au dernier plan. Pas le droit à l'erreur en quelque sorte si son film veut se définir comme marquant et clairement réussi.
Pour en revenir à nos moutons et rallier ce sublime film, sorti en 1993 dans les obscures salles Françaises, Jane Campion a très bien su tirer les meilleures qualités qui composent les classique du cinéma dramatique et passionnel. Cette œuvre magistrale et très aboutie mêle donc mélancolie, amour et musique avec originalité. "Le leçon de piano", unique en son genre, joue dans la courts des grands et titille de très près les classique du genre. Véritable chef d’œuvre, cette machinerie sensationnelle réussie à faire rimer amour avec piano, dans une histoire bouleversante ou mélodie et émotions s'entrelacent. Émouvant, bouleversant même, ce film travaillé à l'extrême prouve une nouvelle fois qu'amour et cinéma peuvent se combiner à merveille sans pour autant déraper dans la caricature romantique ou la vulgarité artificielle de nombreux de ses confrères.
Aucun traits comiques ici , aucune allégresse et pas une goutte de sirop romantique, "La leçon de piano" nous claque avant tout par la terrifiante et fascinante leçon de vie qu'il nous propose. Attendez vous donc à vous retrouver face à une œuvre profondément humaine, extrêmement poignante et réaliste. Assez accessible dans son ensemble, jamais facile et d'une justesse toujours monstrueuse, cette histoire d'amour caché, de sentiments feutrés, de passions tantôt sulfureuses, tantôt colériques, mais toujours entremêles. Des sentiments drôlement humains pour une histoire simple mais mature et aboutie. Jane Campion peint ici un concentré troublant de désirs, de craintes. De visions différentes de l'amour, forcé, dissimulé ou en deuil. Le scénario, simple mais "tellement vrai", se présente comme l'ossature de cette œuvre singulière. En effet, les multiples sensations et étonnements qu'il nous procure , son évolution posée, totalement maitrisée et jamais linéaire confirment la place presque prépondérante qu'il occupe.
La mise en scène vient sublimer ce bâti scénaristique. La composition artistique est sobre et merveilleuse (admirez moi ces contrastes et lumières!). La caméra, bien qu'elle aussi épurée, transpire l'érotisme et les émotions que le films dégage constamment. Les décors extérieurs sont de toute beauté eux aussi. Aucun élément superflu ne déborde du champ d'action. Le déroulement du film, au rythme lent et superbement déconcertant, ainsi que la tournure de plus en plus tortueuse qu'il empreinte sont quasi parfaits aussi. Les sentiments des personnages évoluent parallèlement que les nôtres, leurs actions, parfois extrêmes et désespérées, font toujours mouche et nous touchent droit au cœur. L'intrigue, exemplaire, apporte un regard quasi philosophique et contemplatif de l'amour physique et moral, de la jalousie ou encore de la passion érotique de la musique (ici du piano, incroyablement mis en avant à travers une excellente bande originale). Les sentiments, complexes, souvent sublimés , parfois primaires et instinctifs, rendent le film réellement sensuel. Le film s’interroge aussi sur la relation entre les peuples et cultures différentes, entre incompréhension et ethnocentrisme, aux frontières de l’ethnologie. Une épaisse écorce réflexive enveloppe "La leçon de piano", imposant peuplier dont la sève regorge d’innombrables richesses.
Les interprétations sont, au même titre que l'enveloppe et la moelle du film, fabuleuses. Les deux "Hommes" (Sam Neil & Harvey Keitel), opposés et déchirés dans leur amour, épousent leur rôle avec un naturel et une crédibilité extrême, même si c'est essentiellement les deux interprètes féminines qui attireront davantage notre attention. Le jeune Anna Paquin témoigne d'énormément de talent et d'adresse et nous épate littéralement. Holly Hunter, qui endosse le rôle principal, est très sobre et attachante. Ses gestes et expressions faciales donnent vie à son personnage,muet, le rendant à la fois troublant et sensuel ainsi que très expressif. L'actrice fait preuve d'une profonde justesse ... Émotion garantie!
Pour conclure, "La leçon de Piano" réuni tous les ingrédients, la justesse, la passion et le professionnalisme nécessaires à la concrétisation de films d'une telle carrure. Original dans sa forme, abouti et extrêmement touchant, un film carrément magistral !