Il suffit d'une simple culotte, d'un simple regard oblique à son encontre pour mesurer l'extrême perversité d'un film comme Queen Kelly. Si cette oeuvre majeure marque et choque encore aujourd'hui c'est non seulement pour des raisons purement cinématographiques - vertigineuse utilisation des décors, considération parcimonieuse des intertitres, Gloria Swanson inoubliable et j'en passe - que pour son extraordinaire déviance. Ultra connoté, sexué jusque dans ses moindres symboles, d'une dépravation presque palpable dans ses rideaux de fumée étouffant l'hyprocrisie de la très haute bourgeoisie et malsain jusqu'à l'écoeurrement Queen Kelly est un monument du grand Erich Von Stroheim : l'oeuvre parle de manière déchirante de la perte de l'innocence de sa triste héroïne au travers d'un voyage initiatique particulièrement sombre, nocif, pernicieux. L'obscénité de ce film majeur n'est jamais étrangère au faste - bien au contraire ! Ainsi Von Stroheim montre des personnages vulgaires, inconsistants et moralement pourris que seule la démence des décors et des intérieurs est capable de compenser. On connaît le sort que fût réservé à cette oeuvre ultime, charcutée par les producteurs et autres pourvoyeurs de rêves : Queen Kelly, maudit mais sublime, est le testament sans pitié d'un immense cinéaste. A voir absolument.