Mise en scène rythmée, découpage dynamique, travellings splendides, angles de caméra improbables, plans sublimes : techniquement, c'est une merveille, qui joue sur ce qu'on voit, ce qu'on aimerait voir, ce qu'on nous cache.
Silhouettes agiles ou hystériques trouées par les rayons du soleil qui filtrent les branches, douleurs et hurlements incessants sur les visages qui transpirent : poésie des corps, des mouvances. Rashômon est un poème.
Et comme chaque poème, il nous parle des hommes. Des hommes en clair-obscur qui cachent leur part d'ombre, derrière l'honneur, l'honneur, toujours l'honneur, ce mirage qui élève mais qui détruit tout autant.
Autant dire que cette tragédie grecque au temps des samouraï fascine et bouleverse, et il ne suffirait pour cela que du sublime plan final : un homme marche vers l'avant un bébé dans les bras. C'est l'espoir que filme Kurosawa, à ce moment là. Car de ce plan, il n'y aura qu'une version. Pas deux. Pas trois. Une seule. Un homme marche, un bébé dans les bras. Et plus jamais on ne parlera de cet honneur, l'honneur, toujours l'honneur, l'honneur qui érige mais qui abaisse, qui méprise et tue les gens qui ne supportent pas de s'entendre dire que face au monde se levant devant eux, ils ne sont rien, ils sont faibles, immensément faibles.
Une splendeur, donc.