Ancien film japonais en N&B, certainement un classique dont j'ai abordé les premières images en traînant la patte mais en me doutant qu'un petit temps d'adaptation, comme souvent dans ce type de film asiatique peu sexy a priori, suffirait pour me happer. Pari gagné !
Sur une 'intrigue' assez simple que le scénario oblige à être répétitive, le film est plus qu'intéressant.
Il s'agirait de découvrir qui a tué le mari noble (je ne dis pas 'le noble mari') de la femme violée par un bandit de grands chemins. En fait,
on ne le saura pas, sauf à se refaire pour soi un film, une version subjective
malgré les témoignages en images des différents protagonistes (même du mort outre-tombe) et celui d'un paysan témoin. Car le propos du réalisateut ne réside pas vraiment là.
Il serait plutôt question d'égoïsme, d'honneur (souvent déplacé, archaïque voire criminel), d'orgueil, de mépris/e, de crédit ou valeur accordés à la parole, de 'lutte des classes', de vol, de valeurs, de passage d'un état ou statut à un autre, de dague ou de sabre (freudiens ?) dont l'usage rendrait maître de quelque chose, de jungle contre civilisation et inversement (et pas toujours dans l'idée qu'on croit), d'Eros et Thanatos, et de cent autres notions prêtant à réflexion - a posteriori, rassurons tout le monde, ou en rédigeant une petite critique.
Les éléments (soleil chaud, vent sec, pluie diluvienne), une certaine lenteur ou atmosphère rappellent le théâtre antique et confèrent une indéniable noblesse à l'ensemble. L'épouse-objet pose et surjoue comme au temps du cinéma muet, le mari phallocrate apparaît détestable (en 2014) mais parmi tous les autres personnages, l'espiègle et dément violeur fait pétiller un jeu dynamique presque vital qui réveillerait tout spectateur endormi. De toute façon, sans lui, pas d'histoire donc pas de film. Et il est excellent.
En outre, les scènes de lutte dans la forêt sont particulèrement bien réalisées.
Ainsi des témoignages, qui est l'assassin, qui est coupable, qui a dit vrai s'efface au profit d'une autre vérité bien plus large, englobante voire universelle et s'appellerait peut-être Réalité.
La fin amène une lueur d'espoir salvatrice quant à la nature humaine.
On peut avoir foi en l'humanité grâce au moine évidemment (stérile euh, abstinent) mais surtout au pauvre paysan chargé de famille, à travers lequel la vie peut être et va être perpétrée après que la justice de la pluie a lavé l'air et la terre pour le faire avancer sur le chemin de l'avenir nu qu'il tient dans ses bras.
Le film fini, nous, spectateurs, repartons dans nos foyers, à nos vies, mais lourdement instruits de la subjectivité de l'âme humaine, des destins sociaux et des complexes facettes de la vie.