Je continue d'explorer sereinement la filmographie de Kurosawa avec Rashomon, un de ses films les plus acclamés, dont le synopsis m'a tapé dans l’œil (eh oui, les confessions, la question du point de vue, c'est pour moi). Ce film possédait tous les ingrédients pour m'envouter mais finalement ce ne fut pas complètement le cas. La toute première scène présente trois personnages réfugiés sous la porte de Rasho pour éviter une pluie torrentielle. Deux d'entre eux viennent d'assister à un terrible procès et en font part au troisième homme. On a donc déjà un certain recul puisque l'histoire est racontée. De plus, on revient régulièrement sur celui qui narre les événements. Il fait une synthèse de chaque témoignage, et le bruit de l'eau renforce cette sensation de détachement, de calme. La forêt est le seul autre élément naturel mis en avant, un peu dommage quand on connaît la virtuosité du cinéaste pour mettre en valeur des paysages. Il lui insuffle quand même une certaine ambiance. La musique orchestrale évoque au début un conte, puis la présence de plus en plus marquée des bois rend l'ensemble plus dramatique. Cela épouse l'évolution des personnages, qui se révèlent tous immondes, chacun à sa manière. Celui de Toshirô Mifune est le plus intéressant, dommage que sa prestation soit maladroite. Il a du mal à faire ressortir le côté caractériel du bandit sans en faire trop, c'est peut être le seul point négatif de ces "reconstitutions". Les interrogatoires, quant à eux, sont filmés en plan fixe, où seuls les accusés apparaissent, tour à tour. Ils s'adressent aux policiers se trouvant dans le hors-champ, derrière la caméra. Kurosawa dit clairement que nous sommes les seuls juges de ces personnages et que nous devons construire notre propre opinion sur eux. Et je trouve regrettable que toute la lumière soit faite sur cette affaire, laisser le spectateur choisir à quelle version il veut croire aurait été très intéressant, d'autant plus qu'on admet que le témoignage censé être le plus objectif pourrait être faux. Mais peut-être que le réalisateur a voulu laisser une part de mystère en ce qui concerne la toute fin, un peu trouble. Rashomon propose une histoire riche, au propos fort, mais malheureusement pas captivante. Au vu de la tournure que prenait le film, je m'attendais à ce qu'on nous demande de réfléchir, d'interpréter. Cela dit, l'intrigue reste agréable à suivre et bénéficie d'une réalisation efficace, Kurosawa n'ayant de toute manière plus grand chose à prouver.