Clelia (Eleonora Rossi Drago), Momina (la Française Yvonne Furneaux, qui tourna plus à l'international que dans notre pays), Mariella (Anna Maria Pancani), Nene (Valentina Cortese), Rosetta (la Suissesse Madeleine Fischer, alors mannequin et dont c'était la première apparition à l'écran) et les autres : Carlo (Ettore Manni), Cesare (Franco Fabrizi), Tony (Luciano Volpato) et Lorenzo (Gabriele Ferzetti). Distribution parfaite. 5 femmes et 4 hommes seulement - le drame qui rôde dès le début de l'histoire vient de ce décompte imparfait : Nene la céramiste est mariée à Lorenzo le peintre, lequel se laisse tenter par une liaison adultère avec Rosetta, tombée éperdument amoureuse de lui quand il a fait son portrait. Clelia est le plus souvent en scène ; la jeune femme revient à Turin (où elle est née et a vécu ses premières années dans un milieu pauvre) monter une succursale de la maison de couture romaine où elle fait carrière, et en assurer la direction. Le hasard la met en contact à l'hôtel où elle loge avec Rosetta, sa voisine de chambre qui a fait une tentative de suicide, et aussi avec Momina, la « meilleure amie » de cette dernière. Clelia fait rapidement la connaissance des deux autres inséparables, Mariella et Nene, qui constituent un petit cercle amical avec Rosetta et Momina : toutes sont issues de la haute-bourgeoisie turinoise. Antonioni adaptait là une nouvelle de Cesare Pavese (qui s’était suicidé 5 ans plus tôt, à l’âge de 42 ans seulement), « Tra Donne sole (« Entre Femmes seules », littéralement), avec deux célèbres coscénaristes femmes, Suso Cecchi D’Amico et Alba De Cespedes, sous le titre original « Le Amiche » (« Les Amies ») – la reprise de cet été se faisant en France à nouveau comme « Femmes entre elles » (titre assez inapproprié, suggérant d’emblée une histoire de harem, ou quelque chose d’approchant !). Le cinéaste déjà quadragénaire (il est né en 1912 et le film date de 1955) connaît enfin le succès, même si encore plutôt limité à l’Italie, avec ce film, Lion d’Argent à la Mostra la même année et Ruban d’Argent du Meilleur réalisateur italien l’année suivante (récompense décernée par les journalistes spécialisés de la péninsule, et la plus ancienne de ce genre au niveau européen). Cette chronique sans complaisance de la bourgeoisie provinciale (décadente) est narrée au féminin : l’oisive qui collectionne les amants entre deux réconciliations financièrement profitables avec un mari Arlésienne, l’écervelée qui veut se marier pour la robe (!), l’artiste qui se bat pour garder un mari volage qu’elle dépasse en succès, la benjamine égarée par une passion sans espoir, et la nouvelle « amie » de ces quatre-là, qui préférera renoncer à son amour pour un trop modeste soupirant, ne pouvant abandonner un statut social chèrement acquis). Rivalités, voire acrimonie et même hystérie derrière les bavardages et insouciances de façade (pas de vraie communication), une grosse dose d’égoïsme (et conséquence : l’abandon de Rosetta par ses « amies »). Les hommes sont quasiment des silhouettes, les protagonistes sont leurs compagnes, d’un moment ou d’une vie (le couple Lorenzo/Nene), « Femmes entre elles », devant la caméra inspirée d’un grand metteur en scène « féministe » organisant au mieux l’espace où évoluent ses personnages, avec ce sens exceptionnel du cadre qui le caractérisera toujours. Une œuvre belle et passionnante à (re)découvrir en version restaurée.