Avant, le cinéma français était resplendissant : entre les Delon et les Belmondo, les Ventura et les Gabin, on avait clairement de quoi faire. Surtout sous la direction d'Henry Verneuil et les dialogues de Michel Audiard; là, c'était le pied. "Mélodie en sous-sol" fait donc partie de ces films si particuliers, qui réunissent la plupart des clefs du succès de l'époque : c'est au final une parfaite rencontre entre Jean Gabin, Alain Delon, Verneuil et Audiard. En somme, le film est très intéressant; solide à plus d'un titre, il marque clairement. Non pas qu'il soit parfait ( d'où la note excellente, "mais pas trop" ), parce que parfait, il ne l'est pas; je dois seulement lui reconnaître quelques légers défauts, ainsi qu'un passage plutôt maladroit dans son rythme, son écriture et son retournement de situation; je veux parler là de la scène à la voiture rouge devant l'hotel, pas forcément très réussie. Seulement, le reste est tellement bon, tellement maîtrisé, à tel point réussi et bien interprété, que je ne peux que m'incliner, et vous recommander de voir un tel film. A l'époque où les plus grands succès français se trouvent dans "Les Tuche 2" ou "Camping 3", cela fait un bien fou de se replonger dans le cinéma, le vrai; pas celui de divertissement de masse, non, dans ce cinéma qui se voulait encore être un art, et ne voyait point l'aspect purement mercantile du produit cinématographique. Libre à vous de penser autrement, mais je préfère, personnellement, me plonger dans ces chefs d'oeuvre de Verneuil et Audiard, dans ces fresques de Jean Marais et ces comédies particulières de Bebel, dans ces drames saignants de Gabin et ces classiques baroques de Peter Cushing, dans ces films français, anglais ou américains, dans ces chef-d'oeuvres d'inventivité comme de beauté. Non pas que l'on ne sache plus rien faire de nos jours; ce n'est pas ce que j'ai dit. Je pense seulement que pour apprécier les chef-d'oeuvres d'aujourd'hui, il faut savoir regarder en arrière, et découvrir le cinéma d'antan. Que dire, donc, de "Mélodie en sous-sol"? Beaucoup de choses, bien évidemment. Tout d'abord, force est de constater que l'interprétation est monstrueuse; en même temps, devant ces deux géants, face à Delon et Gabin, y'avait clairement de quoi faire. S'incliner reste désormais la meilleure des choses à faire. Les deux s'y complètent à la perfection, amenant cette sorte d'équilibre dans le duo de personnages principaux qui s'avère si dur à trouver, ainsi qu'à mettre en place.
La mise en scène de Verneuil est elle-même de haute voltige; en même temps, c'est du Verneuil, donc fallait clairement s'y attendre. C'est juste que le mec est un authentique tâcheron, le genre qui bosse toute la nuit; il n'est point de ceux qui font de leurs films de véritables tâches sur le paysage cinématographique; d'un "Weekend à Zuydcoote" à "Peur sur la ville", de "La Vache et le prisonnier" aux "Morfalous", la carte est large, et les grands films se comptent par dizaines, si ce n'est qu'on en vient rapidement à ne plus les compter, tellement qu'il y en a de présent dans sa filmographie. Aux dialogues Michel Audiard, autre génie du cinéma français, et véritable monstre de l'écriture cinématographique. Nous livrant une intrigue commune autant que passionnante, l'artiste parvient à nous faire plaisir grâce à des dialogues crus et fins, habiles et recherchés, avec toujours cette même sincérité dans les répliques, chose purement significative de son art. "Mélodie en sous-sol" est donc un grand film porté par de grands hommes. De ses acteurs à son metteur en scène, en passant par son dialoguiste et scénariste, le film ne cesse de surprendre autant qu'il émerveille son spectateur. Vienne en témoigner la terrible mais géniale conclusion du temps, qui ne peut que nous laisser l'amertume en plein coeur, et la bouche béante jusqu'à toucher notre propre torse.