Dans ce polar sorti en 1963, l'action, lente, prend son temps. On y retrouve un Gabin très proche du personnage de Ferdinand Maréchal qu'il interprétait 2 ans plus tôt sous la direction de Gilles Grangier dans "Le cave se rebiffe", soit un truand qui a de la bouteille et participe à un dernier "coup" de haute volée avant de se ranger définitivement du milieu. Sauf que dans "Mélodie sous-sol", le héros ne se la coule pas douce au soleil mais sort de prison. Après 5 ans passés derrière les barreaux, Monsieur Charles rentre chez lui, à Sarcelles. Sa rue Théophile Gautier est devenue le boulevard Bergson et son petit pavillon de banlieue est désormais cerné par les barres d'immeubles. A l'intérieur, Ginette, sa femme (Viviane Romance), le retrouve comme s'ils s'étaient quittés la veille. Elle ne pense qu'à tourner la page et partir dans le Midi ouvrir un restaurant. Lui est obsédé par les millions du casino Palm Beach de Cannes : "J'ai mis un an pour tout préparer au quart de poil, c'coup-là, ça peut pas louper". Ne pouvant réaliser l'affaire en solo, il s'adjoint les services de Francis Verlot (Alain Delon), jeune truand dont-il a partagé la cellule pendant un an. Le beau-frère de Francis, Louis Naudin (Maurice Biraud), mécanicien "d'une honnêteté monstrueuse", servira de chauffeur... et aura des états d'âme. Direction la Croisette. "Le pognon est là, y'a plus qu'à l'engourdir. Laisser traîner un pareil paquet d'oseille, c'est pas moral". Chacun son rôle. Monsieur Charles, tête pensante du trio, a minutieusement préparé le scénario des opérations. Trop âgé pour effectuer lui-même le travail, il envoie Francis Verlot en éclaireur sur la côte une semaine avant. Celui-ci doit reconnaître les lieux -résidence Marly, théâtre, piscine (bar et cabines), casino, et user de son charme. Les consignes de Maréchal sont claires : "Surtout, pas d'étonnements intempestifs. T'extasie pas sur la mer, elle a toujours été là". "Tu balances des pourliches fastueux, il faut que l'petit personnel t'ait à la bonne". Point d'orgue du film, la scène du braquage lors du gala de clôture, est un modèle du genre. Solitaire, silencieux, concentré, on observe Alain Delon monter dans les cintres du théâtre, ouvrir la trappe de toit, entrer dans l'aérateur, suivre la gaine jusqu'au-dessus de la cabine d'ascenseur, descendre le long des câbles puis faire irruption dans la salle des coffres au moment où le directeur et ses employés recomptent les liasses. Les forçant à ouvrir la porte blindée, il les tient en respect avec sa mitrailleuse tandis que Gabin/Maréchal le retrouve et remplit les sacs de billets. Dans ce classique des films de truands, où la part belle est réservée à 2 monstres sacrés du cinéma (formidables Gabin et Delon), les seconds rôles nous enchantent : Henri Virlogeux (Mario, le propriétaire des Bains Douches), Jean Carmet (barman à la piscine de l'hôtel), Dora Doll (la fausse comtesse Doublianoff, à laquelle Delon envoie un "Te fatigue pas, Totoche, on est du même monde"). La verve des dialogues d'Audiard, un scénario écrit avec talent par Albert Simonin (l'histoire n'est pas adaptée de l'un de ses romans), la beauté de la photographie noir et blanc, sans oublier la sublime musique de Michel Magne qui rythme le film tout au long de ses 2 H (raccourci d'une 15aine de mn en version colorisée) : cette "Mélodie en sous-sol" est un grand cru de Verneuil et un régal pour cinéphiles. Et la scène finale autour de la piscine du Palm Beach, d'une progression dramatique superbement maîtrisée, une vraie leçon de cinéma !