Ah, qu'est-ce que j'aimerai mieux le considérer ce film ! Ses qualités indéniables éclipsées par des défauts bien réels, mon affect envers ce Dernier des Mohicans tient à beaucoup de choses, mais est terni par tant d'autres. Pourtant 3/5 est une note correcte qui traduit un certain enthousiasme, certes, mais qu'est-ce qu'on pourrait faire plus.
Déjà il est honorable de voir un auteur s'exporter de son style de prédilection pour nous offrir un spectacle bien différent mais toujours convaincant : Michael Mann, celui à qui on associe les paysages urbains nocturnes de Heat et Collateral, place sa caméra chez les tribus amérindiennes du XIXe siècle. Étonnant, pour le moins, mais pas pour autant impersonnel : toujours en excellent formaliste, il nous livre une reconstitution sublime de cette période sans pour autant surcharger ses décors et sombrer dans une facticité gênante. C'est à coup de décors naturels qu'il nous immerge dans cette Amérique révolue, et comblé à une photographie épurée et élégante l'immersion emporte l'adhésion. Le film passe prodigieusement vite pour sa durée de 1h52...
...peut-être un peu trop vite même. Et c'est bien le seul film qui peut souffrir de ce défaut.
Ah, ça ! C'est magnifique, les décors sont exceptionnels, la musique est géniale... et tout ça au service de quoi ? D'une histoire bien entendu, le film raconte vraiment quelque chose, mais ce n'est pas ce quelque chose qui gène, ce n'est pas le pourquoi mais le comment qui fait tâche.
Le Dernier des Mohicans a été pensé comme un film d'aventure romantique et dramatique tout à fait saisissant, a été porté par la main de maître qu'il fallait et un casting véritablement dévoué, et il en résulte plus ou moins la promesse initiale. Mais là où on peut reprocher à la plupart des films de ce genre une trop simplicité et une représentation trop banale et résumée de la période et des populations qu'ils encadrent, ici c'est tout l'inverse.
Le gros point noir du Dernier des Mohicans, c'est d'avoir voulu être un film plus riche et complexe qu'il n'aurait dû. À introduire des personnages plus gris que noirs ou blancs, je n'ai jamais vraiment trop su sur quel pied danser : l'incompréhension prime sur le plaisir et dévalorise un propos intéressant mais peu clair dans sa finalité. Les enjeux sont flous et mal amenés.
Pour la petite anecdote personnelle, ma chère et tendre mère - dont ce film est son préféré - m'a avouée qu'elle n'est parvenu à véritablement délier toutes les ficelles qu'au bout de visionnages successifs, et que même encore aujourd'hui certaines zones d'ombre lui restent à dénouer. Me concernant ce n'est pas faute de m'y être risqué à deux reprises et aussi ravissant le spectacle sait-il être il me laisse toujours un peu de côté lorsqu'il s'attarde sur les relations entre les personnages car, trop nombreux, ils ne contribuent pas à faciliter les choses, bien au contraire !
Pour rappel il s'agit d'un film de 1h52, à titre de comparaison Danse avec les Loups (film beaucoup comparé à celui de Michael Mann) avoisine dans sa version longue les 4 heures, et je pense qu'il y a moins de personnages primaires et secondaires dans ce film qui se prêtait beaucoup plus au déballage de la grande galerie de personnages que Le Dernier des Mohicans qui fait à peine moitié temps.
Peut-être que lors d'un nouveau visionnage la lumière germera dans mon esprit, que tout sera clair et que je serai touché par la grâce émotionnelle à laquelle le film peut parfaitement se prêter. Peut-être devrais-je aussi lire le livre pour mieux être guidé la prochaine fois, je m'y lancerai sûrement un jour. Reste que cependant les seules bribes du film encrées dans mon esprit ne sont que de rares scènes prenantes voire carrément à couper le souffle (la scène d'introduction parfaitement rythmée et mise en scène, les échangent dans plusieurs langues différentes, le face-à-face final poignant - bien qu'une fois de plus handicapé par mon détachement aux personnages -, ou encore n'importe quelle scène tirant bénéfice de la somptuosité de la BO grandiose dont la seule utilisation transcende le matériel qu'elle accompagne), mais surtout de longues plages d'incompréhension, et plus péjorativement de dubitation.
L'ennui, car j'ai l'air d'en parler comme un film obscur, mystérieux, fascinant et tout le tintouin, c'est que justement ce n'est pas un film obscur, mystérieux, fascinant et tout le tintouin. C'est "juste" un film d'aventure romantique, et se retrouver aussi perdu ce n'est pas normal pour un film de cette trempe ! Peut-être que je suis simplement incapable de rester concentré devant un film mais même en y réfléchissant à tête reposée je n'arrive toujours pas à discerner qui est avec qui ou contre qui (quelle idée aussi de donner 3 identités au personnage principal !).
À défaut d'être clair ce film ne se moque pas de nous quant à sa promesse de divertissement haut de gamme. Il est simplement dommage qu'il s'enfonce dans une brume épaisse perdant définitivement le spectateur à mi-parcours. Ce n'est pas désincarné, c'est mené avec maîtrise, les acteurs sont au top et octroient le relief nécessaire à leur environnement, mais quitte à s'immerger dans la Guerre de la Conquête autant ne pas s'y perdre...