Il y avait de quoi le craindre, ce troisième opus. D'une part parce que la version bourrine de Cameron pouvait poser des doutes légitimes quant à la possibilité de s'approprier de l'univers sans le détourner de façon aliénante. D'autre part parce que même si j'admire Fincher (ça doit être l'un de mes trois réalisateurs préférés avec Mendes et Nolan), il faut avouer que se lancer dans le grand bain d'Hollywood avec un film de commande tel que Alien³, c'est forcément très casse-gueule. Alors quand j'ai appris les problèmes, voire les incartades pures et simples, entre Fincher et la Fox, j'ai vraiment eu peur du résultat. Et pourtant, dans sa première partie, le troisième round Sigourney Weaver vs Xénomorphe(s) a bel et bien réussi le tour de force de lever ces doutes, me rassurant par un scénario qui propose une relecture fine et intelligente du mythe tout en prolongeant le second opus - fait anecdotique pour moi, qui aurait préféré oublier la version Cameron, mais dont je peux comprendre qu'il importe à d'autres. Au moins, le pitch relance d'entrée le drame de façon adroite
(en condamnant le copain de Ripley et sa fille de substitution - les noms, je les ai oubliés - sans même réellement montrer leur mort, ce qui je trouve renforce la solitude du personnage principal)
en rebondissant sur les événements précédents, ce qui occasionne de plus un gain de temps pour développer l'approche psychologique choisie. Celle-ci, qui passe aussi par des personnages atypiques mais très parlants et des pistes scénaristiques qui mènent droit au but, doit quand même surtout à l'ambiance visuelle du film, glauque et repoussante. Ici, on étouffe dans l'immensité insondable de ce cloaque humain, ou sueur et sang se mêlent dans un mélange sordide, qui n'a rien de la froideur mystique du premier Alien, mais n'en est pas moins oppressant, car plus palpable. Ce départ de Fincher, plus pragmatique, est quand même très bien écrit et filmé avec un sens du devoir qui finit par payer. Les défauts de montage, dus à la rapacité de la Fox, qui n'a pas laissé Fincher s'occuper du final cut (vous parlez d'un non-sens artistique...) ne sont perceptibles qu'à quelques occurrences et ne gênent alors pas outre mesure (en version longue, tout du moins). Mais ça, c'était avant un déballage final très décevant. Le film finit en effet par prendre un forme de survival assez stupide, surjoue de certains effets de mise en scène (comme les plans retournés lors des séquences dans la peau de l'Alien) qui, dans un dosage excessif, annulent la tension. Et les questionnements finissent par tourner en rond, ne parvenant plus à renouveler le message d'origine. C'est là qu'on finit par sentir que l'édifice est bancal, que Fincher n'a pas pu le faire tenir parfaitement droit, que sa maçonnerie se fissure tant la production a honteusement saboté son travail. Sinon, Sigourney Weaver s'en sort bien, comme toujours, le casting de seconde zone autour d'elle est bien meilleur que dans Aliens : le retour - on y retrouve même Charles Dance, le Tywin Lannister de Game of Thrones ! L'Alien, quand à lui, est plus rapide et sans doute encore plus dangereux, mais Fincher le montre un peu trop, et ses couleurs trop synthétiques, presque luisantes, le rendent trop irréel. Il fait peur par moments, parce que la caméra de Fincher est très habile et que l'américain à de bien meilleures idées dans son approche spatiale que Cameron, mais son esthétique n'est pas à même de lui rendre la puissance mystique du xénomorphe originel. C'est dommage, mais de toute façon pas le défaut majeur de cette oeuvre qui finalement, peine à renouveler les thèmes posés par Scott, en proposant tout juste une approche légèrement différente. Après ça, je redoute littéralement le dernier en date (si on exclut Prometheus) signé Jean-Pierre Jeunet. Pour un rendu intermédiaire entre la récréation à peine ludique orchestrée par Cameron et le volet créateur, resté comme un classique, de Ridley Scott, Alien³ n'est pourtant pas un mauvais film. C'est juste un long-métrage arrivé trop tard dans la saga, déjà pas mal sillonnée (et pas toujours à bon escient) dans les deux premiers films, et trop tôt pour David Fincher, un jeune premier à qui la Fox n'aura malheureusement pas su faire confiance.