L’introduction du film est remarquable : une chasse à l’homme où le chasseur devient la proie dans les sublimes paysages de l’Arizona. Plongées, contre-plongées, travellings, plans serrés sur le visage plein de haine des protagonistes, coups de fusils qui claquent, corps-à-corps : dans cette immensité, des ennemis mènent une lutte à mort. Avant d’être capturé et enchaîné par le dernier survivant de ses chasseurs, Richard Widmark a tué deux hommes de sang-froid. Le shérif, qui l’a appréhendé, le traite avec une telle violence qu’on ne sait lequel des deux est le plus sauvage. C’est alors qu’ils croisent le chemin d’un convoi de pionniers qui s’apprêtent à traverser le territoire des Apaches.
Ainsi débute ce western aux allures de film d’aventure qui ne va cesser, durant une longue première partie, à déstabiliser le spectateur qui peine à faire tomber certains masques, notamment celui du personnage principal interprété, comme toujours, avec un incroyable talent par Richard Widmark. Tout en nuances, son personnage inspire une méfiance que sa sauvagerie nourrit. Peu à peu, le fil de l’intrigue dévoile un schéma classique mais c’est amené avec une telle intelligence que le film paraît tout de suite original et pertinent. S’il est parfois bavard, quelque peu didactique, il mélange avec talent action et réflexion au cœur de paysages époustouflants et remarquablement filmés.
Dans ces grands espaces bruns où le danger se tapit partout, la tension ne faiblit que rarement au détour d’une romance artificielle mais attendue. Ce « survival » à l’ancienne a, en tout cas, tout pour séduire grâce à ses personnages, certes caricaturaux, mais permettant de porter un discours nuancé sur la violence des hommes quelle que soient leur origine, leur religion ou leur éducation. En blanc éduqué chez les Comanches, Richard Widmark emporte le morceau et les belles scènes d’action font mener l’ensemble à un train d’enfer. On pourra regretter que la fin, très mièvre, s’éloigne du reste du récit mais le plaisir ne peut être véritablement gâché par ces cinq dernières minutes où, malgré tout, à défaut d’être montrées, des vérités sont énoncées.