Ridley Scott aime l'Histoire, et sait en tirer des films forts, qui oscillent entre la fiction (Gladiator, The Duellists, Robin Hood) et des films qui possèdent au contraire des prétentions documentaires étoffées, qui plus qu'un appui au scénario, en sont presque une des clés de voûte (Kingdom of Heaven). 1492 : Christophe Colomb, production européenne célébrant les 500 ans de la découverte du Nouveau Monde par l'Ancien, emprunte un peu aux deux. Prétendant au départ donner une vision fidèle des voyages d'un des plus grand navigateurs de l'Histoire, Scott finit en effet pourtant par offrir de Colomb une vision idéalisée. De plus, il passe sous silence plusieurs passages potentiellement ultra-intéressants mais visiblement pas adaptés au propos qu'il a choisi de réciter. Eh oui, la force du cinéma n'est parfois pas tant de pouvoir montrer que de pouvoir cacher, et Scott tire le meilleur parti d'une histoire grande et puissante qu'il tourne en une vision de l'Eden disparu, de la perte irrémédiable de l'innocence humaine, de l'incapacité de celui-ci d'apprendre de ses erreurs, du rêve, de l'illusion, et finalement de la quête de plénitude et de vie, tout simplement. Le propos est ambitieux et franchement bien mené, ce pourquoi je pardonne à Ridley ses égarements historiques. De plus, les couleurs vives de la photographie font à nouveau mouche et de ce point de vue là, 1492 : Conquest of paradise n'a pas grand chose à envie à The Duellists dans sa communion entre les grandeurs de la Nature et les tourments de l'âme humaine. La mise en scène est davantage sur courant alternatif, et ses moments d'inspiration tranchent avec quelques passages creux (ils sont rares, rien de grave) et même un ou deux effets ratés. Ces petits faiblissements sont malgré tout anecdotiques, et si je me réserve le droit de chipoter, c'est parce que j'estime que de Ridley Scott, il y a beaucoup à attendre. Pour le reste, on a parlé d'un manque de souffle et il n'est pas imaginaire, mais je trouve qu'il colle bien au devenir du rêve de Colomb, qui lui aussi tombe à plat, et s'associe très bien à la photographie pour donner une ambiance de spleen qui renforce le message et lui fait gagner en beauté. Et puis bien sûr, la musique de Vangelis, que je connaissais d'avance et qui avait abattu mes dernières récalcitrances (les notes mitigées me faisaient hésiter) est magnifique et très adaptée, avec ces morceaux qui tirent de la voix humaine l'impression que cette expédition prend vraiment racine dans l'âme d'un homme ainsi que dans les fondements de l'humanité. J'aurais quand même espéré le thème principal un peu plus présent. Je n'oublie pas Gérard Depardieu, imprégné d'un rôle dans lequel il brille et se révèle à l'international, rappelant que son talent est un passeport qui ne lui ouvre pas uniquement les portes de la mère Russie. Douloureux mais poétique, 1492 : Christophe Colomb me semble sous-estimé, car ses qualités évidentes masquent sans problème ses petites omissions et son léger manque d'envolées dramatiques. Bref, un hommage digne de ce nom à l'écriture d'un page charnière du grand livre de l'humanité.