Sacré Milos. On devrait l’appeler Midas, car il transforme en or tout ce qu’il touche. Film magnifique, injustement méconnu. Jamais on n’avait vu l’Amérique de la conquête comme ça, avec une sorte de nostalgie éclairée, une admiration lucide. C’est vrai qu’il choisit une époque charnière. On voit la boue, et les rues qui reçoivent les flots d’immigrés qui ne tarissent pas, on voit le cinéma avant le muet, les actualités accompagnées par le ragtime dans les théâtres, les débuts du music-hall. Il s’attache à ses personnages, ce qui nous les rend très proches, leurs défauts, leurs faiblesses. Ce self-made man, cette success-story, cette discrimination, cette misère morale. Plusieurs histoires croisées, plusieurs destins mélangés, des acteurs excellents, et ils ont tous des sacrées « gueules », beau casting. Et surtout pas de conte moralisateur sur la lutte des classes. Tableau néoclassique virtuose qui décrit la création d’une nouvelle Amérique, et en-dessous un chant d’espoir. Comme toujours, il est lumineux Milos. Et que dire de cette fin géniale, avec cette famille recomposée avant l’heure, cette bourgeoise qui part avec les enfants et un saltimbanque vers de nouvelles aventures, elle laisse son mari loin derrière. Rien qu’à voir sa tête derrière la fenêtre, le gars, on sent qu’il est cocu et qu’il représente le passé. Sacré Milos, on lui demanderait de faire le portrait de Satan en personne, il serait capable de montrer ce qu’il y a d’humain en lui. C’est sans doute pour ça qu’on dit que c’est un cinéaste humaniste.