Film-phare de la «nouvelle vague» japonaise, «La femme des sables» (1964) de Teshigahara constitue l'un des trois fruits merveilleux de la collaboration de trois créateurs, à l'avant-garde de leur art propre, Teshigahara bien sûr, le compositeur Takemitsu et le romancier Kôbô Abe. Un entomologiste accepte l'hospitalité d'une femme mystérieuse sans se douter qu'il tombe de la sorte dans un piège, se retrouvant emprisonné, à la manière d'un insecte observé par ses pairs, dans un trou perpétuellement menacé d'ensablement. Vaste parabole, située à la lisière entre le réalisme et le fantastique, le film, volontairement équivoque, alimente une méditation dense et plurithématique sur l'enfermement, sur la part animale de la nature humaine, sur l'instinct de survie, sur les conditions minimales d'une civilisation ... Mais c'est surtout la mise en forme de ce contenu qui est parfaite! La photographie de Segawa est en effet une splendeur; la musique de Takemitsu est digne des plus hautes collaborations entre un cinéaste et un compositeur (et elles sont hélas très rares!); et la mise en scène de Teshigahara enfin, qui assume de manière avouée l'héritage de Resnais, est d'une créativité qui suscite une nouvelle fois la nostalgie de ce paradis perdu de l'art cinématographique que furent les années 60. Bien des séquences mériteraient d'être évoquées! Celle, saisissante, où l'homme, fuyant son trou, se retrouve traqué comme une bête dans la nuit ou encore, cette autre, fantastique, où l'homme et la femme, réduits à l'état d'insectes, sont contraints de se donner publiquement l'un à l'autre sous le regard de masques grimaçants ... Un chef-d'oeuvre, ni plus ni moins!