René Clément dont « Plein soleil » est le chef d’œuvre connu et reconnu bien au-delà de nos frontières affirme avec ce film qu’il est bel et bien un des maîtres du polar noir. Film sous estimé, il ballade ici le spectateur grâce un solide scénario et une maitrise de la mise en scène virtuose tout au long du film. Un rythme incroyable et des twists en pagaille dans un film où les deux actrices américaines aux griffes rétractées sont les véritables félines du film et où les hommes sont des proies attractives. L’atmosphère est anxiogène tout comme cette maison labyrinthique dans laquelle cohabite l’étrange, l’ambiguïté, le mensonge,… Un thriller captivant dont on accepte les invraisemblances ; le spectacle étant si abouti.
Virgile Dumez : « A l’origine de la starification d’Alain Delon grâce à son chef-d’œuvre Plein soleil (1960), René Clément compte bien réitérer l’expérience, saluée par la critique et le public. Comme il avait su tirer la substantifique moelle de Monsieur Ripley de Patricia Highsmith, René Clément jette son dévolu sur un autre titre de la série noire écrit par Day Keene intitulé Joy House (1954) (publié en France sous le titre Vive le marié !). Afin de l’adapter au mieux, il s’entoure du scénariste Charles Williams, spécialiste de la série noire, et de Pascal Jardin pour les dialogues. Bien que la production soit intégralement française, le réalisateur parvient à trouver un accord de distribution avec la MGM et s’octroie les services de la jeune vedette américaine Jane Fonda (alors en pleine ascension) et de Lola Albright (dont la carrière fut majoritairement consacrée aux séries télévisées). Une bien belle affiche donc pour cette luxueuse production au script tortueux.
Dès les premiers plans, le spectateur est plongé dans un univers typiquement américain, avec des gangsters en pleine action et une ambiance qui rappelle le cinéma noir des années 40. La référence est évidente et l’on sent René Clément très satisfait de pouvoir se lover dans un genre codifié. Les vingt premières minutes ne laissent d’ailleurs guère le temps au spectateur de reprendre son souffle, multipliant les courses-poursuites, la plupart encore très efficaces de nos jours. Toutefois, cette inscription dans le genre du polar noir est vouée à évoluer en cours de métrage. Effectivement, une fois réfugié chez la riche Américaine et son étrange cousine, le personnage interprété avec énormément de charisme par Alain Delon se trouve au cœur d’une intrigue qui tient davantage du thriller pervers que du film de gangster traditionnel. Dès lors, l’œuvre s’inscrit dans une tendance forte du thriller des années 60 à base de manipulation - des personnages et du spectateur par la même occasion. On songe notamment aux Diaboliques (Clouzot, 1955), ainsi qu’à tous les thrillers transalpins à la Mario Bava.
Ici, ce qui compte n’est pas tant la vraisemblance de ce qui nous est conté que la capacité du réalisateur à nous intriguer avec des personnages tous plus retors les uns que les autres. Il ressort du film une certaine noirceur quant aux relations humaines. Ainsi, le spectateur essaiera tout le long de savoir qui manipule qui dans ce joyeux bal des pourris. Si Les félins peut apparaître comme légèrement misogyne – après tout, les hommes se font systématiquement manipuler par ces dames qui obtiennent tout ce qu’elles désirent – on ne peut pas dire que les hommes en sortent vraiment grandis non plus. On préférera opter pour une certaine misanthropie qui explose totalement lors d’un final particulièrement retors. En cela, René Clément livre un twist final assez jubilatoire qui invite à revoir tout le métrage sous un angle différent, comme le feront plus tard bien d’autres cinéastes.
Ce thriller ne serait pas aussi jubilatoire sans l’apport indéniable de la magnifique photographie en noir et blanc d’Henri Decae… »
Alors bon film noir… à l’ancienne
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