"Les duellistes", un film revu par hasard sur grand écran à Montpellier avec beaucoup de personnes âgées (film en association avec l'Université du Tiers Temps). Chaque plan est un tableau, fusse-t-il au prix de trucages graphiques improbables : soleil contre brume, obscures collines éclairées par on ne sait quelle source de lumière....bref, comme dirait l'autre....
Mais cela marche à perfection, même si la logique est absente. Pourquoi se battre à l'aube ou au crépuscule ? Sinon pour satisfaire l'esthétisme de Ridley Scott qui abuse de brumes et de filtres "hamlitoniens", au point que parfois le film frôle le ridicule ?
Après, à la revoyure (je dirais approximativement 15 ans après) , il apparaît que le vrai "salaud" dans l'histoire n'est pas le Lieutenant Gabriel Ferraud, le lieutenant agressif des grenadiers incarné par Harvey Keitel mais bien Armand d'Humbert (Keith Carradine, excellent aussi dans son genre mesuré), propret et net, qui accepte toutes les soumissions et toutes les compromissions au point de changer de camp en 1815 : fidèle de Bonaparte, il se "devine" royaliste. La scène où son futur beau-père royaliste le taquine sur cette question (ses anciennes relations avec Bonaparte) est phénoménale, la gêne de d'Humbert éclatant au plein jour.
Son adversaire de duel, Gabriel Ferraud, reste un militaire "à 100%," avec ses défauts (impulsivité, rage, impatience), mais très fidèle à Bonaparte et, finalement, à l'esprit révolutionnaire. Il est, contrairement à d'Humbert, un pur produit de 1789 : issu du rang, sans trace de noblesse, un critère qui opposait les grenadiers (Ferraud) et les hussards (D'Humbert). En somme, Ferraud c'est le prolétaire, le sans-culotte qui a réussi. D'Humbert reste le noble parvenu, qui lâche son premier amour "canaille" pour une fade aristocrate de second rang. Et c'est pour cela que Ferraud n'accepte jamais l'amitié de d'Humbert, même dans la scène où ils affrontent ensemble des cosaques sur le front russe. Parce que Ferraud sait que d'Humbert est un lèche-botte opportuniste, et qu'au fond il ne possède aucun sens de l'honneur. Le film finit "bien". Gabriel Ferraud est vaincu et humilié, l'aristocrate opportuniste et calculateur est vainqueur. En somme, une image du monde d'aujourd'hui....