Grand fan de la grande époque horrifique des studios Universal, j’attendais beaucoup de "La Tour de Londres". Il faut dire qu’entre son titre terriblement évocateur qui renvoie au passé sombre de l’Angleterre, son ambiance annoncée, dès le générique, comme terriblement glauque (la salle des tortures, les bourreaux, les mises à mort…) et le casting composé de monstres sacrés du genre tels que Boris Karloff, Basil Rathbone ou encore Vincent Price, tout semblait réuni pour donner lieu à un petit chef d’œuvre d’épouvante à l’ancienne. Malheureusement, le réalisateur Rowland V. Lee semble plus intéressé par l’Histoire britannique que par l’horreur et s’attarde, donc, davantage sur les manœuvres du Duc de Gloucester (Basil Rathbone, intriguant à souhait) pour s’emparer du trône que sur les basses œuvres du bourreau Mord (Boris Karloff, une fois de plus affublé d’un incroyable maquillage signé Jack Pierce et qui parvient, au détour d’une scène, à faire ressentir le peu d’humanité restant à son personnage). Ce parti-pris n’aurait, en soi, rien de choquant si le film n’était pas vendu comme un sommet d’horreur s’inscrivant dans la lignée des "Dracula", "Frankenstein" et autres "Loup-Garou". Encore que, même dans une optique purement historique, on ne peut que regretter le nombre ultra-réduit de scènes se déroulant dans la salle des tortues de Mord et dans les cachots de la Tour… surtout après la première apparition du bourreau affûtant sa hache avec un plaisir sadique ! Sans aller jusqu’à réclamer du sang et des viscères (le film est sorti en 1939, époque peu propice aux débordements d’hémoglobine), une ambiance plus poisseuse et une exploitation plus lugubre des lieux auraient été salvatrices. Le meilleure exemple du décalage existant entre les terribles exactions de l’époque et leur sage représentation à l’écran est la séance de torture light à laquelle est sujet Wyatt (John Sutton, transparent), qui en ressort toujours aussi bien coiffé. Le "Mon dieu, que vous ont-ils fait ? Monstres !" de sa bien-aimée apparaît, dès lors, assez ridicule. Seul le sort réservé aux deux jeunes princes captifs est parfaitement exploité, le réalisateur ne sombrant pas dans le voyeurisme mais ne laissant pas le moindre doute quant à leur funeste destin, tout en insistant sur l’horreur de l’acte (le plan du gamin endormi dans les bras de Mord est terrible). Quoi qu’il en soit, "La Tour de Londres" permet à ses acteurs de se livrer à de sympathiques numéros de cabotinage, si caractéristiques des films de genre de l’époque, de Ian Hunter en Roi manipulé à Vincent Price en frère méfiant et faible en passant par Barbara O’Neill qui en fait des caisse en Reine apeuré mais digne (ah ses regards yeux grands ouverts). En outre, le film permet de mettre en lumière la fin de la Guerre des Deux Roses, épisode de l’Histoire anglaise pas forcément très connu chez nous avec une simplicité très abordable... même si on peut regretter la manière dont le film se conclut, avec une bataille bâclé et des morts trop abruptes pour espérer susciter l’émotion. Ainsi, "La Tour de Londres" s’avère être davantage un film historique d’une film horrifique, ce qui restera un regret pour moi… et m’a donné envie de découvrir le remake de Roger Corman datant de 1962 avec Vincent Price en tête d’affiche.