Un film fort, un film qui marqua son époque et qui constitue pour Jeanne Moreau , un palier , un marqueur , comme le fut le « Mépris » pour Brigitte Bardot. Tous deux, films sur la thématique de la femme qui s’affirme dans ces années 60 : l’indépendance, la liberté de choisir , le droit au plaisir , à la jouissance. Jeanne Moreau est bouleversante et atteint des sommets, avec sa beauté, ce charme de madone, et cette sensualité diffuse, mais le scénario est décevant car là où Godard avait trouver et créer une profondeur , une dimension tragique, à son couple qui se défaisait, créant un chef d’œuvre du cinéma, Malle nous sert du Barbara Cartland , écrit par Louise de Vilmorin, (auteure un peu oubliée) .La jeune femme est de la grande bourgeoisie de province , elle monte à Paris voir des matchs de polo à Bagatelle au bois de Boulogne, elle prend un amant, mais s’ennuie beaucoup , pour finalement tomber amoureuse d’un jeune homme un plus bohème , un peu artiste. Du sous- Mme Bovary. On s’ennuierait presque si heureusement Jeanne Moreau n’irradiait pas la pellicule. Son visage souvent impassible arrive à nous transmettre des émotions rares. Bien sûr il y a la scène sensuelle, entre les deux amants, qui fit scandale , et l’on devine que JM Bory lui prodigue des caresses buccales et que l’héroïne prend du vrai plaisir , même si tout cela est surtout suggéré , pas de plan direct, mais en 1958 le plaisir féminin était un tabou bien secret, et merci à Malle et Moreau d’avoir su se risquer à l’évoquer . La réalisation de Malle est belle, quoique très académique, le noir et blanc utilisé magnifiquement, les scènes nocturnes dans un clair-obscur lunaire sont magiques. Les acteurs de second rôles très bons aussi : Judith Magre Luis de Vilalonga et Alain Cuny ( acteur oublié , pourtant formidable) , mais dommage Malle n’est pas Godard et le film manque de substance.