Contrairement à d'autres grandes œuvres de la légende vivante de l'animation japonaise Hayao Miyazaki, "Princesse Mononoké" n'est pas à mettre entre toutes les mains. En effet, malgré l'esprit écologique sincère et vivant de l'auteur qui ressort encore, plus intense, le nouveau message de tolérance qui se dégage implicitement (il s'agit tout de même d'une guerre), les animaux qui reprennent place avec poésie dans le contexte, l'absence subtile d'une quelconque intrigue manichéenne, ce film d'animation est d'une violence rare pour le genre. Les dessins sont certes d'une beauté fidèle à l'auteur, colorés, propres et d'une qualité impressionnante, mais les blessures (béantes !), l'infection terrible des créatures et du héros, les sentiments les plus sombres, les états physiques et psychologiques des personnages y sont décrits explicitement par les traits du studio Ghibli et du maître - à l'apogée de leur art certes, mais sans retenue quelconque ; ce qui aide beaucoup à la considération globale que "Princesse Mononoké" est l'un des meilleurs Miyazaki, et par conséquent l'un des meilleurs Ghibli jamais créés. La forêt y est sublime, fantastique, verte, mais rude et sauvage ; on songe à "Nausicäa" mais, dans l'histoire, rien ne s'y attache. De plus, les personnages principaux possèdent tous une profondeur d'esprit très digne dans "Princesse Mononoké". La candeur courageuse du jeune "héros" (il est difficile de parler de "héros" en soi dans ce film) soumis à sa malédiction, en quête désespérée de rédemption, l'obstination sauvage mais sincère et justifiée de Mononoké, l'intelligence subtile, avide et redoutable de Dame Eboshi, l'état d'âme opiniâtre, juste, effrayant et inébranlable de la mère louve... Même les seconds rôles imposent une façon de penser réaliste, dans un sens comme dans l'autre ; c'est ce qui joue beaucoup dans la féerie superbe de ce chef-d'œuvre d'animation : un réalisme étonnant encré dans un fantastique improbable. "Princesse Mononoké", au-delà de son travail graphique inégalable, est donc une fable humaine moderne et unique, métaphorique et engagée... mais dans un autre monde, un monde où un dessin magnifique, juste et fluide guide deux camps dans une guerre absurde pour la survie ou la gloire. La perfection épique et poétique d'une bande originale signée Joe Hisaishi, toujours fidèle à Miyazaki (l'une des plus fructueuses collaborations réalisateur-compositeur de tous les temps), conclut le travail immense, aux ressources inépuisables, de ce long-métrage à offrir aux cinéphiles de tous genres. "Princesse Mononoké" est, finalement, un conte relationnel mature, à savourer, à accepter et à comprendre, et dont la fin irrémédiablement troublante achève de nous remettre en question sur beaucoup de réalités humaines.