De toute la trilogie, Powaqqatsi, est celui dont le propos est le plus cru, mais aussi le moins pessimiste. Powaq qatsi, issue du langage Hopi (Amérindiens d'Arizona), veut dire (je traduis ce qui est écrit à la fin du film) : une entité, une façon de vivre, qui consume les forces vitales des êtres qui l'entoure pour améliorer son existence. Retranscrit dans le contexte du film, le powaqqatsi est le monde occidental qui vampirise les pays en voie de développement.
Déjà, ce qui le différencie des autres opus, c'est sa tonalité très différente. On remet moins les choses en question. Je ne dis pas qu'on en ressort avec le sourire, mais le message est moins pessimiste que les deux autres opus de la trilogie. Déjà, rien qu'à écouter la musique : elle est beaucoup plus enjouée que les morceaux dramatiques dont j'ai parlé avant. On est loin des orchestres symphoniques et des sons électroniques ; elle se différencie très nettement de ce que l'on entend dans les pays occidentaux. Elle est plus proche des musiques indiennes, orientales, avec beaucoup de chœurs et de percussions, accompagnés d'instruments à cordes que l'on a pas l'habitude d'entendre en Europe. Par contre, les vingt dernières minutes sont composées de chants arabes ; une femme chantant a cappella avec une voix plaintive et lancinante, c'est absolument insupportable. Je suis profondément allergique à ce type de chants, ils me niquent les tympans. Rien que d'y penser ça me fout les nerfs en pelote. Enfin merde quoi vous appelez ça de la musique vous ? Berk !
Ensuite, au niveau de la forme et du montage, il est assez lent et posé. Contrairement à Naqoyqatsi, Reggio n'essaie pas de nous en mettre plein la vue, il nous laisse le temps d'admirer les images. Parfois trop de temps même : un plan-séquence d'une minute sur un enfant qui marche en portant de la paille, ça sert à rien de le mettre au ralenti ! C'est même contre-indiqué !
Après le contenu est ni noir ni blanc. Notez bien que j'ai parlé d'un film "moins pessimiste" et pas "plus optimiste". C'est vrai, d'un côté on a plus de couleurs, chaque plan est tourné de jour par grand soleil (c'est un détail qui m'a vite frappé), on a des sourires, on a des gens qui vivent leur vie dans un environnement moins riche matériellement que le notre. Mais d'un autre côté, on voit des gens qui triment, pour un résultat qui ne les concernent pas. Je vous rappel que à aucun moment on ne nous fourni des chiffres, ni de témoignages. Juste des images. On a que ce que l'on voit. Le contraste entre le contenu des différents plans est beaucoup plus frappant que dans les deux autres films. On passe d'une scène de danse à des gens trimer dans la boue en quelques secondes. Un aspect surprenant est que le contenu est le même suivant l'environnement filmé, que ce soit le Monde Arabe, l'Afrique Noire ou l'Inde. Les gens qui marchandent, qui travaillent, qui se déplacent, qui dansent, qui prient ; qui vivent quoi, jamais le documentaire n'expose de différence, jamais il ne prend parti pour défendre tel ou tel peuple. Il s'accompagne donc d'un subtil message de tolérance envers son prochain qui fait plaisir à voir. Vous savez, les messages de tolérance sont souvent naïfs et niaiseux, et là on en a enfin un qui passe bien.
Mais je m'éloigne du point central du film : la corruption des pays en voie de développement par l'occident. Comme pour Naqoyqatsi, le centre du film n'est pas forcément évident à déceler. On voit pas mal de choses dures à accepter dans ce film, et on oublie que la cause de tout ce que l'on nous montre c'est notre société occidentale. Le lien n'est pas toujours clairement exposé, on pourrait même le remettre en question. Mais le nier c'est se voiler la face : il n'y a rien d'autre au monde qui puisse être en cause à part nous, et même si c'est peu exposé l'influence de notre monde est présente. Les building ultra-modernes, qui jurent complètement face à ces sociétés quasi médiévales, en sont le plus bel exemple.
En guise de conclusion je me contenterais de dire que ce film n'est pas aussi troublant que Naqoyqatsi, ni aussi énorme que Koyaanisqatsi, mais qu'il vaut quand même le détour car il possède ses propres atouts. Je dirais même que des trois c'est le plus abordable, le plus accessible pour ceux qui n'aiment pas trop les trucs étranges.