Décrié par la critique lors de sa sortie, "Hook" est considéré, aujourd'hui encore, comme un film "raté" dans la filmographie de Steven Spielberg. Je ne suis absolument pas d'accord avec ce "jugement" et je pense même, au contraire, qu'il s'agit d'un de ses films les plus épatants et, quoi qu'il en soit, les plus osés. Car il fallait oser jouer avec la mythologie de Peter Pan, en prenant le risque de perturber ceux qui ne jurent que par le dessin animé de Disney ! Spielberg fait, ainsi, du virevoltant Peter Pan un avocat adulte, plus préoccupé par son travail que par sa famille, de la mutique Fée Clochette une intrigante bavarde ou, encore, de Wendy, une grand-mère... soit un postulat de départ assez inattendu quand on parle de l'ouvre de J.M. Barrie ! Le réalisateur n'est, cependant, pas un novice et démontre, une fois encore, qu'il est possible d'adapter une oeuvre à son propre univers sans pour autant la dénaturer. Et il est assez extraordinaire de constater qu'on retrouve bien l'essence du livre de Barrie (voire même du dessin animé) mais, également, les thèmes chers à Spielberg, à commencer par la souffrance des enfants face à un monde adulte décevant. "Hook" n'est, d'ailleurs, rien d'autre qu'une superbe métaphore sur la paternité.
Ce n'est pas un hasard si le "retour" de Pan coïncide avec la prise de conscience du personnage de ses véritables priorités, à savoir ses enfants
. Mais, "Hook" ne se contente pas d'être une simple piqûre de rappel pour parents négligents... et s'avère être une formidable aventure visuelle qu n'est pas sans rappeler l'esprits de feu "Les Goonies", le décalage en plus. C'est peut-être ce qui a perturbé les critiques de l'époque puisqu'il faut bien reconnaître que le film réserve de nombreux moments très surprenant pour un film censé s'adresser à un jeune public. Le personnage du Capitaine Crochet résume assez bien l'état d'esprit du film. Campé par un Dustin Hoffman absolument génialissime de cabotinage outrancier, le personnage multiplie les scènes improbables
(ah, la scène où il menace encore de se suicider !)
et les dialogues visiblement improvisées pour la plupart... ce qui peut s'avérer perturbant au premier visionnage. Crochet n'est pas le seul élément "perturbateur" du film puisque, face à lui, se trouve un adversaire de taille en la personne de ce Peter Banning refusant de croire qu'il a pu être un jour Peter Pan et qui contraint le spectateur à passer par une palette d'émotions assez variées. Détestable quand il néglige ses enfants
(voir la terrible scène du match de base-ball),
bouleversant lorsqu'il craint de les perdre, hilarant quand il tente de nier l'évidence ou qu'il subit un entrainement poussé, enthousiasmant lorsqu'il revêt enfin son costume... et tout ça grâce à l'interprétation, comme toujours, extraordinaire, de Robin Williams, dont on ne louera jamais assez l'étendu de la palette de jeu. Le casting est, donc, un des très gros points fort du film, et ce d'autant plus que les seconds rôles sont, également, de haute tenue, de Bob Hoskins énorme en Monsieur Mouche à Maggie Smith en vieille Wendy en passant par une galerie de gamins formidables (une constante chez Spielberg). Seule Julia Roberts paraît en décalage par rapport au ton du film, peu aidé, il est vrai, par l'isolement que suppose les contraintes techniques de son rôle de fée minuscule. Le scénario, sous forme de parcours initiatique, est également un motif de satisfaction et surprend, par moment, par le ton dur qu'il peut adopter (il y a des morts "violentes" pour un film pour enfants et des dialogues plutôt élaborés), ce qui rappellent que les productions Spielberg refusaient, (à l'époque, en tout cas) de prendre les gamins pour des crétins. Enfin, la mise en scène est, tout simplement, féerique puisque Spielberg mêle une caméra virtuose à un montage old school qui sait prendre son temps (et susciter l'envie en suggérant avant de montrer,
comme lors de l’enlèvement des enfants
), le tout bercé par une BO superbe (John Williams à la baguette) et des effets visuels qui transcendent le Pays Imaginaire. Que reprocher, dès lors, à "Hook" si ce n'est d'être sorti 10 ans trop tôt ? Une petite merveille, à la fois drôle et magique, à découvrir !