"Les Lèvres Rouges" se drape dans les atours d'un film d'horreur érotique, tissant une toile de désir, de mystère et d'effroi avec une aisance qui frôle l'élégance. Au cœur de cette énigme cinématographique, Delphine Seyrig incarne la comtesse Elizabeth Báthory avec une aura magnétique, son personnage oscillant entre la noblesse glacée et la prédatrice sanguinaire, une performance qui, à elle seule, mérite le détour.
Le film s'aventure dans les méandres de l'horreur psychologique, flirtant avec l'esthétique du surréalisme et de l'expressionnisme, pour peindre une fresque où la décadence côtoie la beauté. La mise en scène de Harry Kümel, parsemée de références intertextuelles, notamment à Marlene Dietrich et Louise Brooks, enrichit le récit d'une dimension à la fois historique et cinématographique. Les décors, des Galeries Royales d'Ostende à l'hôtel Astoria de Bruxelles, contribuent à cette atmosphère envoûtante, où chaque cadre semble échappé d'un rêve éthéré.
Cependant, là où le film ambitionne d'atteindre des sommets, il trébuche par moments dans sa propre grandiloquence. Si l'intention est clairement de transcender les conventions du genre pour atteindre à une forme d'art plus élevée, le résultat peine parfois à maintenir une cohérence narrative, laissant le spectateur dans une confusion qui frôle l'aliénation. Les personnages secondaires, bien que fonctionnels, manquent de profondeur et semblent parfois réduits à de simples pions au service de l'arc dramatique principal.
La critique de Camille Paglia, qui voit en "Les Lèvres Rouges" un "haut gothique psychologique", souligne bien cette dualité : un film qui, tout en embrassant une esthétique raffinée, navigue dans les eaux troubles de l'horreur avec une assurance qui frise parfois l'excès. L'analyse de Geoffrey O'Brien, qui compare le film à un hypothétique film de vampires par Fassbinder, met en lumière cette ambition artistique qui, tout en étant admirable, n'atteint pas toujours la perfection escomptée.
En définitive, "Les Lèvres Rouges" se présente comme une œuvre complexe, un mélange audacieux de genres qui ne manquera pas de fasciner autant qu'il pourra dérouter. Un film qui, malgré ses imperfections, demeure une pièce intrigante du cinéma d'horreur érotique des années 70, un voyage à la fois somptueux et perturbant dans les abysses de la psyché humaine.