Avis sur Mémoires pour Simone

Heureusement qu'il existe le replay d'Arte. Signoret peut dire ce qu'elle veut sur les ordinateur, c'est tout de même pratique… Surtout que sinon pour se procurer des films de Marker c'est compliqué. Mais bon c'est moins vendeur une intégrale Marker qu'une intégrale Nolan.

Je dois dire que je me fiche complètement de Simone Signoret, je n'étais pas né qu'elle était déjà morte, je n'ai pas vu beaucoup de films avec elle (bien que j'ai Casque d'Or en dvd qui traîne depuis plus d'un an). Mais Marker arrive à faire quelque chose de génial, c'est tout simplement de m'intéresser à cette bonne femme. Juste ça. Pas que j'ai appris des choses inintéressantes sur quelqu'un dont je me fous éperdument. J'ai appris, j'ai vu, j'ai ressenti, des choses sur une actrice dont j'ai maintenant envie de voir d'autres films.

Ce qui est formidable c'est cette capacité de Marker à faire un documentaire posthume sans une once de bons sentiments, de truc culcul, disant : "wé c t la meilleur lol". Non, il va montrer ses films, parler de ce qu'elle ressent, de ce qu'elle pense. Il va retracer sa carrière, mais avec toujours son style bien particulier. J'aime cette façon qu'il peut avoir d'être un auteur, mais dont le style ne va jamais parasiter le message premier du film et va au contraire faire corps avec son sujet pour lui rendre hommage. On pouvait dire la même chose sur le film sur Tarkovski.

Et puis il y a des choses très intéressantes que je pense aussi, comme ce passage où il explique qu'avec l'âge on ne joue pas mieux, on est. Ce que je défends, il ne faut pas jouer, il faut être.

Mais du film émane surtout une grande douceur, peut-être une nostalgie aussi quelque part, mais sans connivence (on ne vient pas te chercher avec les mains pour que tu chiales). C'est un film qui est juste beau et juste.
Après il faut avouer qu'à un moment les extraits de films s'enchaînent beaucoup trop et on a envie de voir autre chose, vers la demi-heure de film.

J'adore le fait que Marker s'intéresse à ce qui l'intéresse lui, à ce qu'il se demande lui, comme les souvenirs du chat (on connaît sa passion pour le chat) et pour une fois on peut filmer un chat avec tendresse sans que ça soit ridicule. Ou bien le fait que les messages humains se trouvent sur le minitel. On peut lire ces messages écrits dans un français plus que correct, pleins justement d'amour. On est loin des impersonnels "RIP" d'être qu'une star de seconde zone meure, où tout le monde est traité de la même façon que l'on soit aimé, talentueux ou non… Des hommages anonymement vulgaires d'internautes pensant être respectueux.

Non, c'est vraiment bien. C'est marrant car cela fait sans doute plus d'un an que je n'ai pas vu de films de Marker et tout-à-coup j'en revois un et ce que j'aime dans ses autres films, je le retrouve, l'amour immédiat, comme si je n'avais jamais arrêté de voir ses films !

On sent Chris Marker totalement fasciné et admiratif par son sujet...
Comment ne pas l'être puisque ce dernier n'est autre que Simone Signoret, dans sa jeunesse une actrice talentueuse au physique superbe avant de devenir paradoxalement encore plus fascinante avec la vieillesse et les rides en étant un véritable monstre de charisme, femme véritablement et profondément engagée (par le genre des minables d'aujourd'hui qui ne font acte de présence que quand les caméras sont là !!!), intelligente, brillante, polyglotte en plus, une légende tout simplement...
Une légende sur laquelle, par l'intermédiaire de la voix envoûtante de François Périer, Chris Marker affiche juste l'ambition de nous donner des morceaux de vie de cette femme exceptionnelle.
Les extraits sont judicieusement choisis, c'est irréprochable ; en fait on peut juste reprocher à Marker d'avoir mis un peu sa patte personnelle, son caractère, en veilleuse en se cachant derrière son sujet.
A sa grande décharge, celui-ci se suffit très largement en lui seul pour faire un film passionnant.